Le corps dans la main

Avril 2012

 

8 Avril : J'ai fait une tarte à la misère. Malgré sa couleur tendre et sa roseur souriante, chaque gramme cuisiné est une source de souffrance, parcequ'il exacerbe la pensée que je ne suis qu'un estomac, un buffle, une vache. Parcequ'il est synonyme de mille autres avalés. Parceque même la cuisine ne me fait qu'à moitié sourire, tant elle souligne ma dépendance et mon échec cuisant... Et puis d'ailleurs on ne s'y trompe pas : de quel droit maintenant ces remarques insidieuses? Croient-ils que je suis neutre vis-à-vis de mon corps et de mon alimentation? Comment peuvent-ils le croire? Et puis elles sonnent en écho des "tu es tellement maigre" "tu devrais en reprendre, tu es sure?"... l'exact inverse, mais la même ingérence, le même sentiment d'impossiblité fatale. Joyeuses Pâques donc. 

 

 

12 avril : jours de jeûne. Enfin, le dernier s'est soldé par quelques calories tout de même. Ai été dans un état second. Pleines de courbatures. Ai cru à un délirium tremens lorsque les fourmis ont envahis la salle de bain. Je ne suis pas sure de ce que j'ai vu, harassée. Que je mange trop ou pas, mon corps m'envoie des signaux de malheur. Je ne supporte pas son diktat, je me sens comme une marionnette de chiffon dont il joue et qui n'a d'autre ressort propre.  Même en le contrôlant, comme on dit si bien dans les manuels de psychiatrie, la sensation physique n'est pas abolie. Que faire : les analgésiques, sédatifs, anesthésiques? Tu rêves, ma fille. Reste dans ta chambre, reste dans ton livre, le nez sur ton clavier, dans des cieux aphrodisiaques et idéaux, dans tes désirs de folie et d'abîmes neigeuses. Reste, va.  

 

 

 

 

27 Avril : ça y est, je suis de nouveau amoureuse. Tout du moins j'aime à le croire. Aujourd'hui, personne ne m'a oublié, j'en aurais pleuré de reconnaissance. Et ça me coùte de le dire, mais ces deux derniers jours, la vie a été belle. L'ivresse des sens, l'ivresse tout court. Juste ce coeur lourd qui s'arrache à ma poitrine, cette fatigue bienheureuse, stupéfiante. 

Me voilà seule ce soir, starlette d'un jour oubliée pour toujours. Mais qu'à cela ne tienne, je le crois pas. Pour aujourd'hui, j'ai foi. L'avenir est plein de futilités réjouissantes, qui s'envoleront en rêves avec des grandes ailes d'adieu, cela ne fait aucun doute.. mais je ne peux dissocier le sourire de mes lèvres.


 



12/04/2012
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