Le corps dans la main

Charbonade et Sérotonine

 

On le sait, la perte de poids engrangée entraîne la diminution de l'appétit, d'ou la perte de poids, etc.. ce qui peut être motivant au "début" est un des points majeurs qui font de l'anorexie un engrenage psychologique, renforcé par des mécanismes physiologiques. 

 

 

Extrait d'une étude (encore!) publiée sur le site d'Autrement : 

http://www.anorexie-et-boulimie.fr/articles-511-viande-interet-dans-l-anorexie-mentale-et-la-boulimie.htm

 

Les chercheurs ont voulu estimer et chiffrer les carences réelles en différents nutriments engendrés par un "régime alimentaire" de type anorexie-boulimie. En effet ces carences n'altèrent pas seulement le bon fonctionnement des organes, des muscles, etc..je ne vais pas vous répéter ce qu'on a du vous dire une bonne centaine de fois, mais des taux insuffisants en acides gras ou en proteines peuvent aussi avoir des répercussions sur des routes hormonales et donc sur des signaux envoyés au cerveau comme la sensation de faim, la sensibilité à l'environnement, les émotions . Je vais essayer de faire un petit topo de vulgarisation sur le sujet, j'espère que ça ne sera pas trop indigeste..

 

  

Exemple : un déficit en proteines, très souvent observé (souvent moins de 30 g / jour , alors que les besoins sont de l’ordre de 75–80 g / jour pour une femme de 50 kg environ) chez les anorexiques ET les boulimiques! en effet on a tendance, les médecins aussi, a considèrer trop souvent que la boulimie (qui associe un poids corporel normal et des crises compulsives alimentaires ) n’est pas préoccupante sur ce point. Or la boulimie est l’exemple caricatural de la « dénutrition à poids normal ».

 

 

 

Tableau 2 : Pourcentage des malades qui ne consomment jamais ....
 
% des malades ((n = 268)
AMR
AMB
B
N
Viande rouge
86
89
71
18
Viande blanche
57
61
64
23
Poisson
14
17
15
8
Sucre
96
98
95
32
Aliments sucrés
97
95
92
13
MG ajoutées
99
97
95
15
Aliments gras
94
91
93
8

  


Il y a donc  des déficits sévères en protéines, en acides aminés essentiels, en AG essentiels, en fer, et en vitamine du groupe B. Ces déficits sont responsables (mais souvent en partie seulement) de troubles du sommeil, de troubles de mémoire, de troubles de la concentration et de troubles de l’humeur.

 

 

Parallèlement, un manque en protéines conduit à diminuer la sensation de faim (notez au passage qu'il faut sérieusement songer revoir le régime protéiné dans ce cas..), mais à long terme cependant. Se priver de viande ou de poisson est donc un acte qui fait l'objet de 3 renforcements en même temps! D'abord, la satisfaction de soi, la fierté de la privation, (mais ça n'est pas spécifique aux proteines..), puis la diminution de la sensation de faim si la restriction en protéines est longue : on va donc rechercher inconsciemment cet effet qui va dans notre sens, et enfin les effets rapidement visibles d'une telle privation : un aliment très calorique exclu (en temps normal on ne mange pas que du poisson blanc, n'est ce pas?) et surtout un déficit en acides aminés va obliger le corps à synthétiser de A à Z ses propres acides aminés donc consommer de l'énergie (interne ou celle apportée par les autres aliments).

 

  

Le problème étant que, dans le même temps, et par LE MÊME mécanisme, une carence en protéines engendre un effet de renforcement et une carence en précurseurs de neuromédiateurs qui va modifier l'humeur. 

Je m'explique : 

Un ensemble de neuromédiateurs participant à la régulation des mécanismes de la faim et de la satiété ont été identifiés:
· L’adrénaline: réduit la prise alimentaire par action sur le centre de la faim;
· La dopamine : inhibe le centre de la faim et motive la prise alimentaire
· La noradrénaline : réduit la prise alimentaire en inhibant le centre de la faim, mais la
stimule en inhibant le centre de la satiété.
· La sérotonine réduit la prise alimentaire par action sur le centre de la satiété. Elle
occupe une place privilégiée dans la régulation des conduites alimentaires mais également des
choix et préférences alimentaires.


Non seulement ces neuromédiateurs sont susceptibles d’influer sur les « choix » nutritionnels mais inversement la nutrition va moduler leur biosynthèse. Ces molécules sont synthétisées par l'organisme, mais ont une origine nutritionnelle, ou du moins ont besoin d'une molécule précurseur qui doit être apportée par l'alimentation(avec une alimentation normale une infime quantité suffit.)

Deux des constituants alimentaires précurseurs de neuromédiateurs sont des acides aminés : le tryptophane (Trp, pour la Dopamine) et la tyrosine (Tyr, pour la sérotonine). 

Une augmentation de la concentration en précurseurs s’accompagne d’une synthèse accrue du neuromédiateur correspondant. L'inverse est vrai aussi : moins de précurseurs, moins de neuromédiateurs.

 

 

Prenons le cas de la sérotonine (5-HT) : elle est synthétisée à partir du tryptophane dont l’apport est exclusivement alimentaire. C’est ce qu'on appelle un acide aminé rare, il n'est pas produit par l'homme, se trouve chez certaines espèces spécifiques, il est fragile et en grande partie détruit par la cuisson prolongée des aliments (moralité si vous voulez un antidépresseur naturel mangez une iguane crue... je plaisante.) L’apport d’une ration protéique quotidienne suffisante, riche en Tryptophane est donc la première condition pour un bon fonctionnement des neurones sérotoninergiques cérébraux. 

Mais lorsqu'ils fonctionnent, que font-ils ? on l'a vu, ils stimulent les centres de satiété, donc réduisent la sensation de faim. 

Ok, mais je n'ai pas dit plus haut que c'était l'absence de proteines qui réduisait la faim? En fait c'est le rapport entre la concentration plasmatique du tryptophane et celle des acides aminés neutres qui régit la synthèse. Avec une alimentation protéique courante, on a beaucoup plus d’acides aminés neutres que de tryptophane, le ratio tryptophane /acides aminés neutres est faible, ce qui fait qu’une quantité inférieure de tryptophane par rapport aux acides aminés neutres passe dans le cerveau, mais on dispose quand même de la quantité suffisante.

Par cette même logique, les régimes hyperproteinés ont pour effet de réduire la concentration cérébrale detryptophane et par voie de conséquence celle de sérotonine (5-HT), et donc ne devraient pas rassasier. (Etrange, non?)

A l’inverse, un repas riche en glucides augmente le ratio tryptophane / acides aminés neutres et donc le nombre de précurseurs de sérotonine (un début d'explication de l'association : sucré -bien être?)

Si par contre on ne mange pas de protéines, tous les acides aminés sont en faible quantité, donc le rapport est plus ou moins maintenu,la sérotonine synthétisée, mais en plus faible quantité.

 

Voilà le mot est lâché : la sérotonine est synthétisée en faible quantité. Donc ses effets sur la durée ne sont pas assurés : une fois le stock épuisé, c'est l'effet antagoniste. D'ou des phases cycliques d'humeurs et d'appétit : Sérotonine? satiété, humeur régulée, tout va bien. Plus de Sérotonine? sensation de faim accrue, changement d'humeur, régulation émotionnelle diminuée. 

Alors faim + pas de régulation émotionnelle = crise boulimique. Pas toujours, certes, mais les ingrédients sont ceux là.

 

 

Je ne vous ai donné l'exemple que d'un neuromédiateur, mais vous avez maintenant peut être une idée plus précise de pourquoi associe t'on alimentation et humeur, alimentation et dépression. Oui, je n'ai pas mentionné que le manque de sérotonine ou son inhibition était un facteur essentiel de la dépression...


Dernière chose , nous ne sommes pas tous égaux face à cette petite molécule : un neuromédiateur ne possède que les effets autorisés par les récepteurs cellulaires. C'est à dire pour être efficace il faut que les cellules possèdent des récepteurs qui la fixent et lui permettent de la réguler.  Ces récepteurs sont en grande partie génétiquement définis. Cette donnée essentielle explique probablement les susceptibilités individuelles au risque dépressif et/ou boulimique comme aux traitements....

 

 

 

Maintenant, comment pallier à ces déficits d’apport ?

Les viandes, notamment les viandes rouges, sont des sources notables, dans notre alimentation, de ces acides aminés essentiels, et apportent du fer, de la vitamine B9 qui participe aussi à la synthèse de Dopamine et sérotonine. Les viandes apportent 20-22 g de protéines pour 100 g, soit 4 fois plus qu’un yaourt (4,5 g pour 100 g). D'après le raisonnement de tout à l'heure, l'apport en protéines est un facteur efficace de lutte contre les crises de boulimie.

Dans l'expérience menée par les chercheurs de l'étude, plus les malades réintroduisaient des aliments protéiques comme la viande ou le poisson et moins ils faisaient de crises. 

 

 

La conclusion de l'étude ne ravira pas tout le monde (moi la première..) : "Les viandes sont un excellent aliment à conseiller en cas de trouble du comportement alimentaire. Cette approche thérapeutique s’avère difficile (les malades rejettent souvent la viande, notamment rouge) mais payante."

 

 



29/06/2011
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