Le corps dans la main

Diagramme de dispersion des idées

 

« le monde vaut par les extrêmes et vit par les moyennes »

Paul Valéry

 


Ceci étant malheureusement, il faut un certain courage pour aborder l'extrême pleinement. La petite provocation ou la petite marginalité, c'est insuffisant, c'est un prologue. Je ne peux m'empêcher d'admirer ceux ( les connards? ) qui vivent ou pensent de façon radicale : « Les extrêmes marquent la frontière au-delà de laquelle la vie prend fin, et la passion de l'extrémisme, en art comme en politique, est désir déguisé de mort. » (Milan Kundera,L’insoutenable légèreté de l’être).

L'extrême c'est la franchise de la destruction. Une fois rentré pleinement dans l'extremisme, il est difficile d’en ressortir ; trajectoire divergente à l'infini, c'est là que l’on devient beau, outrageant, indestructible. Prendre la tangente, la route qui s’écarte, de façon irréversible, celle que l’on a regardé longtemps du pas de sa porte comme un horizon menaçant d’immensité. Se perdre en conscience, à défaut de perdre sa conscience. La fuite est l’opium du névrotique.

Avoir la déraison de s’opposer aux bornes bienveillantes de la société. Devenir haïssable par principe. Souffrance extrême de s’imaginer incompris alors que l’on réfute toute tentative d’intrusion extérieure. C’est pousser le snobisme à son comble que de ne concevoir que jamais égal ne pourra être trouvé. Et pourtant, nulle prétention dans cette vérité : égal ne pourra jamais être trouvé. Il n’est pas question de hiérarchie des esprits, mais de singularité des consciences. Nous sommes condamnés à ne partager nos sentiments les plus profonds qu’avec nos viscères. L’être humain n’est pas convexe mais concave.


Le vrai moi ? nous l’expérimentons chaque jour. Alors, pourquoi ne pas le magnifier, le glorifier, le pousser dans la quête insensée du néant, le faire sortir de la page ? puisque nous sommes virtuels, tout est permis.

L'art du compromis est souvent en soi une magouille des consciences. Si l’on admet parcourir son chemin seul, point de transactions, point de concessions. On peut mettre le cap, froid et buté, vers l’extrême. Sentir le frisson de l’infini comme la vigie qui ne perçoit plus les distances au sommet de son mât, comme l’errant qui voit se dissiper les mirages du désert sous son souffle tiède, comme l’étranger seul dans une gare vide, comme devrait être l’enfant qui vient au monde.


La perspective est plus vraie que l’objet. Le tout est plus vrai que le précis. Courir au-devant des murs qui n’existent pas, c’est éprouver ce tout. C’est éprouver l’infini des possibles. C’est le corps humain qui s’y heurte le premier, c’est lui qui s’affaiblit, craquèle, implore une halte. La fuite cosmique n’est réalisable que par la pensée. Si seulement nous n’avions pas cet étau physique !

 




27/11/2011
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