Le corps dans la main

L'hypnose des pauvres

 

 

 




Enlacés au milieu de la chaussée, les gens passent autour sans sembler les voir, tournent comme une bobine de film accélérée dans ce décor clair et naïf. Un couple de danseurs dans un monde de polly pocket. Un peu comme Amélie Poulain, songe-t'elle.

Une enfant,tendue comme la corde d'un arc, avec son visage rond et son sourire rieur, ses bottes de pluie au bout de ses jambes courtes. On lui donnerait 10 ans. Elle en a 20.

Son romantisme la perdra, se dit-elle. La vie n'est pas un cinema noir et blanc. Le monde moderne a inventé la couleur, les néons, le fluo et les rires préenregistrés. Qu'importe qu'elle ne l'ai pas connu, elle se sent nostalgique de ce paradis italien, ses femmes plantureuses, leurs robes à mi genou et les gamins morveux blèmes.

Même pas peur, même pas faim, même pas sommeil, songe-t'elle encore. Elle est jeune à crever. L'air la soulève, s'engouffre sous sa jupe de fillette..elle ferme les yeux, court, disparait en fumée. Lorsqu'elle les rouvre, elle n'a pas bougé pourtant.

Les passants et les aiguilles n'en finissent plus de leur ballet virevoltant.

Eux sont debout, hébétés, au milieu du cadran. 

Les décors or et fauve auréolent leurs visages d'une lumière kitch. Rien d'autre n'existe que..que quoi d'ailleurs s'interroge-t'elle tandisqu'ils desserrent leur étreinte ..que l'autre? soi avec l'autre? le besoin enfin satisfait de la présence devenue indispensable? la sérénité absolue de l'exlusivité mutuelle? du doute résolu? du mensonge caressant? que quoi?

 

Les gens, cette masse mouvante de circulation harassée par le travail et les obligations en tout genre, voilà qu'ils les encerclent, les prennent à revers. Elle respire le moins possible.

Elle aimerait l'emmener dans son monde d'affranchie, l'absoudre, lui ouvrir les yeux. Mais déjà elle sait qu'il est de cette terre, qu'elle ne pourra l'en arracher, qu'il ne sera pas l'echo de ses rêveries et de ses théories surréalistes. Alors elle se blottit contre sa poitrine, comme pour en prendre encore un peu avant qu'il ne se rende compte. Amélie au sourire triste.Elle aime, vaine Amélie.

Exutoire séculaire, tromperie naturaliste, elle tend ses lèvres sur lesquelles s'efface en hâte un sourire amer. Elle est perdue. Elle se laisse perdre. Perdre et voguer. Ils se sourient. Chacun cache à l'autre sa véritable lucidité, c'est le pacte tacite. Les lampadaires s'allument. Ils les voyent à peine. 

 

 

 

 

 

 

"L'amour, une rencontre de deux-salives... Tous les sentiments puisent leur absolu dans la misère des glandes"

Cioran, Syllogismes de l'amertume.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



23/11/2011
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