Le corps dans la main

L'usure du vide

 

« Ma mission est de tuer le temps et la sienne de me tuer à son tour. On est tout à fait l'aise entre assassins. » 

Emil Michel Cioran

 

 

 


L’inaction est le vice par défaut. L’ennui un ennemi mortel  que l’on cherche à semer et qui vous rattrape dès que vous faites une halte pour reprendre votre souffle. Un instant d’ennui ça ne saurait être défini par autre chose que le vide, le besoin vital d’être rempli.  C’est les fadaises qui soudain vous apparaissent, c’est le monde, les mots, les images qui vous coulent sur le visage, sur les sens, alors que vous y êtes imperméables. C’est crever rentré.

Les volets que l’on ferme trop tôt, le repli sur un foyer illusoire, le malaise agoraphobe du temps et des espaces à pourvoir. Ma gorge s’étouffe, je sors encore une fois dans la nuit glacée. Le pouvoir calmant des larmes n’est pas une découverte. Mais tout ce qui nous est empirique semble digne de génie. De génie incompris, de sensibilité corrompue. Je me promets que lorsque je ne sens plus mes membres engourdis par le froid, je rentre. Je mesure ma peine avec une infinie parcimonie. La peur, la lâcheté, c’est finalement c’est le plus grand outil de conservation dont on soit doté. 


Pour l’instant, par crainte encore, je ne quitte pas ma plume. Je ralentis le débit de ma pensée fluviale pour lui laisser se poser sur le papier. Inutilité absolue, je ne sais que trop bien que cet exercice est personnel, tout au plus analysable par un quelconque spécialiste freudien, mais d’une banalité opaque pour tout individu lambda préoccupé par le contenu de son propre journal intime.

Que faire ? En prenant manteau trop vaste, allégorie vestimentaire de ma bulle mentale, je lui souris à ce sentiment de liberté absolue. Je referme la porte, je ne vais nulle part, je vais. Lorsque la destination vous est égale, bien que dans les limites du connu, la sensation de liberté que vous procure cette absence totale de conséquence est un analgésique à la rigueur du quotidien à l’effet immédiat.  Je marche à l’aveugle, regarde les carrefours avec bienveillance, choisit mon chemin comme un jouet dans une vitrine.  Un violoncelle ou une logorrhée de paroles, de ces mots qui vous procurent un plaisir gustatif, m’accompagnent.  Eux et moi. Mélancolie rageuse. Le soir tombe et le vrai mouvement se met en branle, loin du quotidien qui n’éveille plus les frémissements vitaux nécessaires à armer le combat contre la morosité et le silence d’une vie qui n’est qu’un bruit de fond sans chant. Alors je meuble ce silence de mes pensées, de mes paroles, de paroles empruntées.

Un jour je les rendrais, je promets. Lorsque j’aurais les miennes à donner, que je me dis.

 

 

 

 




13/11/2011
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