Le corps dans la main

La Charogne au sourire

Chair plaintive, adoration cicatricielle, jérémiades ...

Le pathos est ma friandise, mon opium, mon enfer artificiel.

 

 

A votre imagination, lecteur : voyez ce cadavre gonflé qui telle une Ophélie putride descend le fleuve encadré de roseaux verts.Qui est-ce cette inconsciente qui dans un accès de lyrisme éternel s'est donnée aux eaux noires? Quelles sont ses pensées à cette poche emplie de mort,spleen au front,ouvrant les rameaux sur son lent cortège macabre? Pourquoi? Ne l'enviez-vous pas, cette beauté fauchée, immaculée et triomphante? 

Comment avoir déclaré le non-sens et la vanité absolue à cette heure précoce? Comment s'abandonner à la tragique mélancolie sans avoir bu à la coupe? Pourquoi la pure Ophélie s'en va-t'elle danser entre les nénuphars, les chairs mollissantes, alors qu'elle est vierge de vie? Par mépris? par orgueuil? par dépit? par ignorance?

Chair à rassir, un conseil, tuez-vous jeune. Vous perdrez vos facultés d'insoumission, vous vous étiolerez, vous vous vendrez pour un paquet de clopes ou un rendez-vous chez le coiffeur. Non,non, croyez moi, il faut s'euthanasier quand on est conscient, quand la révolte nous procure la force nécessaire.

Sinon, c'est une vie de colloques et de séminaires avec vous-mêmes, de résignations et de concessions bienveillantes, qui vous sclérosera membre par membre, ideal par ideal, rage par rage, organe par organe. Se laisser bercer par cette vie toute proposée équivaut à une myopthatie. La malice de choisir un contre-courant peut-elle suffire à vaincre l'aphasie? Rien n'est moins sur, rien n'est écrit. Mais ne sous estimez pas la poigne du temps et de la lassitude, des frustrations et des pressions morigénantes. Profitez de votre souffrance tant qu'il en est encore temps. 

 

Je suis misanthrope et mon public est ingrat.  Parceque les cothurnes et les répliques pâmées ne font pas bonne figure dans un salon, la tragédie du quotidien est un caprice. La vérité est que ça dérange. Pourquoi un être évoluant dans le même monde confit que soi se saoulerait-il de jouissance destructice? pourquoi se gaine-t-il de ses déboires, court-il le feu et les plaies? 

Le pathos fait opiner du chef dans les ménages. C'est vrai, pourquoi, je vais bien moi! le pauvre, quelle malchance.. il est malade, il est fou, il va mal. Nulle trace de remise en cause. Le fou c'est assurément celui là, le courageux qui choisit l'inconfort, les cris, l'autre trottoir, celui qui mène aux égouts. Compassion véreuse, zapping rapide. 

J'ai besoin de me repaître de ma tristesse hebdomadaire. De lire la commisération craintive dans les yeux rencontrés. Mais je déchiffre l'indifférence, la pitié blasée, l'agacement, l'exaspération ou les encouragements dolents, ceux directement recrachés du discours psycho-maniéré contemporain, celui-là même que je tiens pour ennemi personnel. Celui qui me retient en m'insinuant d'habiles doutes : oui, après, après tout ça,lorsqu'on redescend de la Lune diabolique, il y a quelque chose.

On s'amarre dans un Eden d'amour et d'apaisement ou l'on vous offre des couronnes de fleurs appelées résignation, tendresse, estime, confort, amitié, famille. Je n'en veux pas de votre cadeau. Je ne veux pas non plus de ma solitude, je n'en veux pas de votre prétendue camaraderie, de votre foi. Je ne veux pas de quotidien : le spleen a ça de fantastique qu'il est intemporel, diffus, stellaire.

Un arc tendu entre tous les instants, une mendicité en marge des vivants.


 

 

 



19/09/2011
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