Le corps dans la main

La fille à tête de chou

 

 

 

 

 

L'univers c'est mesquin. Le réel est étroit pour l'esprit. Il a besoin de grandiose et de métaphysique pour croire à un au dela quotidien qui puisse rattraper la platitude de l'existence. J'ai besoin d'un autre plein. De l'imaginaire, des fantasmes dorés ou noirs. Mon monde ressemblerai plutôt à un tableau de Jérôme Boch, une apocalypse de luxure, de sang et de dimensions sans confins. 

Je n'en peux plus de ma petitesse, de ma jalousie, du linoléum sur lequel je me traîne et nous nous traînons tous. Mais je n'ai toujours pas choisi. Qui je veux être. Si je veux être heureuse. Si je veux être normale. J'en sais rien. 

Je ne suis pas fataliste . En revanche j'ai la conviction qu'une fois que nous avons mis le pied quelque part, l'enchainement que nous provoquons est irréversible. On ne peut espérer en sortir indemne. Voire même en sortir. Nous fabriquons notre fatalité. Les méandres s'encastrent, se déroulent, et comme le vieux Serge, j'ai l'impression perceptible que mon crâne est rongé par des lapins auquel j'ai ouvert la porte et qui n'ont eu de cesse de se multiplier. Ma tête de chou est abasourdie sur mes vertèbres. 

J'ai encore rêvé d'elle. Son visage à elle m'apparaît plus disctinctement que le sien. Elle me hante. C'est une idée à laquelle on peut hélas greffer des traits et une silhouette. Elle était svelte, aimable, pardonnatrice. Lui, soumis et repentant. En quelques millisecondes de rêves sous mes paupières, j'ai entrevu la chute. La claque du néant simple. Et puis cette jolie fille condescendante. Tout se lie, tout ressurgit, et mes craintes crient dans la nuit leur longue plainte vraisemblable. Je suis grosse donc je ne suis pas. Elle compte. La pire négation qu'ils pourraient me faire serait de retourner à leur unité, leur union, leur vie sans anicroche. Ce serait me sceller comme définitivement transparente et inconsistante. 

Je suis seule face à plusieurs mois de travail austère, de la froideur tachée de rires trop rieurs qui sonnent faux aux oreilles les moins mélomanes. Les miens. 

Que m'arrive t'il ? La mégalomane criant au secours à la considération, se décomposant dans sa décrépitude qui lui apparaît dans un retournement de veste. L'espoir fait rire, il fait rire jaune. 

Et puis je suis seule dans mon corps, dans mon lit, dans le métro, dans mon livre, dans les cafés, en face des autres. Le décalage, l'inertie des conversations, la gêne, la honte, le mépris, l'ennui ont un même visage de Serpent qui susurre à mon oreille : "Tu vois..même là, même avec eux...tu es fausse...tu n'a que des amis partiels.....tu ne peux pas en avoir...l'amitié c'est une incompréhension tacite, mais toi tu la refuses...il te reste ton théâtre...mais comment? tu n'en veux plus? il ne t'amuse plus? ..pourquoi tes yeux ne brillent-ils pas...c'est donc ça.." Alors sans heurts, sans veux, la désillusion de l'amitié se fait. La force de l'amour, c'est que le choc illusoire est plus grand. Mais la solitude finit par éclater, la solitude universelle. Et la mégalomanie y fait écho, flagellante. Certains arrivent à surmonter le vague sentiment d'intégrité qui vous isole, et à lui concéder des présences, des groupes, des gens et des sentiments partagés. D'autres n'y parviennent pas. La honte d'être seul, ami indigne et dans le vrai est plus forte que le bruit, le mouvement doux des voix qui bercent, les échanges consentis et les vies qui s'effleurent. C'est ça : nous nous croisons, dans les rues, des sacs plein d'une existence imperméable. Parfois nous en jettons des miettes dans les cafés autour d'un verre. Mais cette existence qui nous tiens chaud est bien inutile si elle reste invisible. J'ai peur de n'exister que pour moi-même. D'exister, penser, souffrir, palpiter, sentir, percevoir, être ... sans être vue. J'ai peur d'eux et de leur assurance, de leur dité, de leur consistance mate. Je suis à la frontière de la vapeur et de la chair, mi-nuage mi-chou.. floue.

 

 

 

 

  



20/02/2012
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