La pomme-défonce
Quel plaisir peut-on trouver à sentir son ventre si lourd?
_ Aucun.
Quel plaisir peut on trouver à faire le récit de ses mahleurs dérisoires?
_ celui d'être écouté, lu, plaint, regardé.
Narcissisme en plein.
Je suis ridicule. Je ne suis vraie nulle part, pas même quand j'écris. Eventuellement quand je dis que "je ne sais pas". Et encore. Avouer son inconsistance c'est déjà du snobisme.
Clope sur clope, bluff sur bluff, rire sur rire, verre sur verre ... que d'alternatifs moyens de défonce. Tout le monde veut se défoncer, depuis la nuit des temps. La conscience est la pire saloperie que Dieu a infligé à l'humain et dont il n'a de cesse de vouloir se débarrasser. Chacun a son échelle, bien sûr. Il y a les défonces admises : le bruit, les soirées, les filles, le mode de vie jeune-bobo-dépravé, les passions du weekend, les petits trains, les séries télés, les somnifères...rien n'est anodin, tout vise à l'anesthésie.
Je ne sais pas pourquoi j'ai choisi la nourriture. Grosse perplexité. Mon souhait n'est pas de devenir raisonnable, sobre et innocente, au contraire ; juste de réussir à changer de mode d'action. Là, c'est trop dur, trop charnel, trop impliqué.
"Un jour tu comprendras". Mais je ne veux pas, pas maintenant, pas encore, je ne veux pas me mêler à ce monde qui me fait flipper de médiocrité et de bienséance. Je ne veux pas. Je veux garder mon space cake, ma bulle-cage, mon aliénation personelle plutôt que celle d'une société normée-codifiée-régulée. Si je pouvais, je vivrais en regardant. Vivre sans vivre, dans un nuage d'éther. Pour ça, il me faut ma dose : mon coktail molotov de solitude, de boulimie et d'angoisses.
Le nuage est exhaustif : il n'y a de la place que pour une seule personne.
Combien de temps va t'il tenir? combien de temps vais je osciller dans cet équilibre cotonneux observatif et electrique? J'ai peur d'y rester des années, 10 ans, 20 ans, plus encore.
Réveillez moi, je ne sais pas, je ne sais plus,ce qui se passe dehors, quel jour on est, comment je dois être, ce que je dois dire, chaque mouvement et chaque parole sont des obstacles. Réveillez moi, par pitié.