Le corps dans la main

La valse aux adieux, Milan Kundera

 

 

Le refus de faire des enfants. je trouve un écho à ce que j'éprouve dans ce passage aux arguments ironiques mais très justes.C'est toujours surprenant de se retrouver à ce point. Et ce texte fait mouche.

Je ne le publie pas en guise d'endoctrinement, mais parcequ'il trouve sa place ici, dans un blog pessimiste qui refuse l'ode à la vie et aux couches culottes.

 

 

  

Jakub repris la parole et affirma que les motifs esthétiques ne jouaient aucun rôle dans la répugnance qu'il éprouvait à procréer.

"Je pourrais vous citer 10 autres raisons de ne pas être père.

_ Parlez, je suis curieux de les entendre, dit Bertlef.

_ D'abord, je n'aime pas la maternité, dit Jakub, et il s'interrompit, songeur. L'ère moderne a dejà démasqué tous les mythes. L'enfance a cessé depuis longtemps d'être l'âge de l'innocence. Freud a découvert la sexualité du nourrisson et nous a tout dit sur Oedipe. Seule Jocaste reste intouchable, personne n'ose lui arracher son voile. La maternité est l'ultime et le plus grand tabou, cel qui recèle la plus grave malédiction. Il n'y a pas de lien plus fort que celui qui enchaîne la mère à son enfant.[..] Je dis que la maternité est une malédiction et je refuse d'y contribuer.

_ ensuite, dit Bertlef.

_ une autre raison, qui fait que je ne veux pas accroître le nombre des mères, poursuivit Jakub avec un certain embarras, c'est que j'aime le corps féminin et que je ne peux penser sans dégout que le sein de ma bien-aimée va deveni un sac à lait.

_ ensuite, dit Bertlef.

_ [...]

Le culte de la procréation est un impératif de la nature.C'est pourquoi il est inutile de chercher le moindre argument rationnel dans la propagande nataliste. [..] Guidée par le seul désir de perpétuer l'espèce, l'humanité finira par s'étouffer sur sa petite Terre. Mais la propagande nataliste continue de faire tourner son moulin et le public verse des larmes d'émotion qund il voit l'image d'une mère allaitant ou d'un nourrisson grimaçant. Ca me dégoute. Quand je pense que je pourrais, avec des millions d'autres enthousiastes, me pncher sur un berceau avec un sourire niais, ça me donne froid dans le dos.

_ ensuite, dit Bertlef.

_ Et je dois évidemment me demander dans quel monde j'enverrai mon enfant. L'école ne tarderait pas à me l'enlever pour lui bourrer le crâne de contrevérités que j'ai moi-même vainement combatues pendant ma vie. Faudrait-il que je voie mon fils devenir sous mes yeux un crétin conformiste, devrais-je lui inculquer mes propres idées et le voir souffrir parcequ'il serait entraîné dans les mêmes conflits que moi?

_ ensuite, dit Bertlef. 

_ evidemment, il faut aussi que je pense à moi. Dans ce pays,les enfants payent pour la désobéissance des parents et les parents pour la désobéissance des enfants. [..] Combien de parents ont définitivement accepté la lâcheté à la seule fin de ne pas nuire à leurs enfants? Ici,qui veut conserver au moins une certaine liberté ne doit pas avoir d'enfants, dit Jakub, et il se tut.

_ Il vous reste encre 5 raisons pour compléter le décalogue, dit Bertlef. 

_ La dernière raison est d'un tel poids qu'elle en vaut 5 à elle seule, dit Jakub. Avoir un enfant, c'est manifester un accord absolu avec l'homme. Si j'ai un enfant c'est comme si je disais : je suis né, j'ai goûté à la vie, et j'ai constaté qu'elle est si bonne qu'elle mérite d'être répétée.

_ et vous ne trouvez pas que la vie est bonne? demanda Bertlef.

Jakub voulait être précis et dit avec prudence : " Je ne sais qu'une chose, c'est que je ne pourrai jamais dire avec une totale conviction : l'homme est un être merveilleux et je veux le reproduire"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



08/08/2011
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