Le corps dans la main

"La volupté unique et suprême de l'amour gît dans la certitude de faire le mal"

 

 


"La volupté unique et suprême de l'amour gît dans la certitude de faire le mal"

Charles Baudelaire.

 

 

 

Ma volupté? une catin. Ma luxure? la boulimie.

 

J’avale, je me goinfre,encore une poignée hypocrite, oui oui, la dernière. La nourriture dévale mon oesophage dans un crissement festif. Je suis dévorée par le dégout qui me fait manger. Plus ça me dégoute, moins j'ai faim, et plus je jouis du plaisir malsain d'en prendre encore. Comme si c'etait la dernière fois. Comme le condamné souhaite prendre un dernier petit déjeuner pour monter sur l’échafaud parceque "Les mots manquent aux émotions" (Victor Hugo, Le dernier jour d'un condamné), parceque le plaisir et la haine ne font qu’un, parceque  ça n’a de toute façon plus d’importance, plus de conséquences. Mais pour moi ça en a. Elles sont énormes. Je suis énorme.

Je suis l'enclume et le marteau, la diététicienne et la rebelle, la victime et le bourreau. 

 

« Ne suis-je pas un faux accord
Dans la divine symphonie,
Grâce à la vorace Ironie
Qui me secoue et qui me mord ? »

 

Bon, je ne vais pas refaire l’ héautontimorouménos, rassurez vous.. admirable la façon dont l’auto-torture est antique, est épique, est glorieuse depuis Terence.

Fascinante, lancinante,un piège. Le piège narcissique de se suffire à soi-même. Je me fais souffrir, je me console, je compatis: je suis un microcosme parfait, je n’ai besoin d’aucune aide extérieure pour expérimenter l’humanité. Hé les amis,ça ne marche pas, c'est que l’extérieur est intrusif, on ne souffre pas tout seul, on ne s’aime pas tout seul…si c’était plus facile d’être le bourreau, l’amant, l’infirmier d’un tiers ? Plus simple ? une baignade dans la procuration. Je ne m’y résoud pas, stupide fierté morbide qui me pourrit, qui me grandis, qui me scarifie prématurément de l’intérieur.La procuration, c’est un moyen de durer. Un moyen de tempérer. Je dois être une sacrée putain d’égoïste.

 

En attendant la  putréfaction n’est pas que spirituelle : mon corps prend la texture d’un cadavre de noyé, gris sale et enflé par les eaux. Je suis terne,bouffie, le visage cerné, les yeux sec, la peau jadis laiteuse crie son ennui, mon corps est aride, comme moi. Un désert trop puissant pour jamais espérer en faire une terre hospitalière.

Problème : j’ai un bail à vie.

 



06/07/2011
1 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour