Le corps dans la main

Le miroir aux corbeaux

L'image de soi et ses mirages

 

 

 

Miroir, miroir, dis moi..

 

Qu'est-ce que l'image de soi ? C'est comment on se voit, ce que l'on croit être, ce que l'on croit qu'on est capable de faire, comment on croit que les autres nous voient, la photo de nous-mêmes que nous avons en tête, quel rôle nous croyons jouer... C'est aussi une photo de famille, sur laquelle nous sommes entourés de nos parents, de nos amis...On peut imaginer ça comme le dessin que nous ferions sur une feuille de papier si on nous demandait de nous dessiner nous-mêmes. C'est ce que nous écririons si l'on nous demandait de nous décrire nous-mêmes. Attention : nous n'avons pas toujours conscience de ce que nous croyions être. La description que nous ferons consciemment est toujours incomplète et partiellement déformée.
En réalité elle est le plus souvent perçue par les humains sous la forme d'un ensemble d'émotions et d'impressions subjectives, qu'ils peuvent vivre ou subir de façons différentes suivant leur caractère et leur culture. 

 

Lorsque le miroir est déformant, brisé, incohérent, incomplet, lorsque ce ne sont plus que les doutes qui se reflètent, l'être qui ne se connait plus, pas encore, à qui il échappe soi même, l'être qui ne sait pas qui il est aux yeux des autres_ même si sait qui il est pour lui_ est magnifiquement désarçonné du cheval socio-relationnel. 

 

 

 

Oui, il existe des pathologies directement reliées à l'image de soi. Qui rendet fou. Intenables. Liées à l'image de soi physique (type dysmorphophobie), psychique (narcissisme, dévalorisation, comportement aggressif, "fou", ou n'importe quoi d'autre dont on a persuadé le sujet qu'il était) ou moral (je suis un connard, je me comporte comme tel).

Les pathologies : 
Orgueil, vanité, arrogance, névrose, nationalisme... sont des pathologies de l'image de soi. D'où l'expression populaire utilisée parfois à l'égard de personnes qui en souffrent : "Pour qui se prend-il ?"

A l'inverse l'image pet être tirée à la baisse, revue au négatif.   

Une priorité est d'avoir une vue d'ensemble de soi, une vue générale. Les personnes dont l'image de soi est morcelée ont de gros problèmes. 

 


Ce qui fait de l'héroïne une drogue aussi forte est qu'elle donne l'illusion d'avoir une image de soi et du monde cohérente et idéale. Elle impose le message "Tout va bien". En particulier elle dit : "Tout fonctionne comme il faut", "Il n'y a plus de problèmes", "Il n'y a plus de barrières". Pour quelqu'un qui souffre d'avoir une image de soi mal ficelée, c'est une aubaine. Un mot d'argot désignant une prise d'héroïne est d'ailleurs "fix". Le verbe anglais "to fix" signifie "réparer". Les effets de l'héroïne peuvent sembler contradictoires : elle peut rendre très actif tout comme elle peut rendre apathique. Ces deux extrêmes s'expliquent par le même phénomène sous-jacent. En disant "Tout va bien, tout est comme il faut" elle permet de se relaxer. On n'est plus obligé d'être vigilant, on peut se reposer. En disant "Il n'y a plus de barrières, il n'y a plus d'obstacles" elle permet de passer à l'acte. Celui qui était persuadé de ne rien pouvoir faire se lèvera et entreprendra ce qu'il veut sans avoir d'appréhensions. (Un ami me demandait pourquoi je ne consommais pas d'héroïne, je lui répondis ceci : "Quand je vais bien, je n'éprouve pas le besoin qu'on me dise que je vais bien. Quand je vais mal, je n'aime pas qu'on me mente. C'est une question d'honnêteté intellectuelle.") 

La douleur est le fait que l'image de soi est rompue, remise en cause. Pour se protéger de la douleur, il existe deux méthodes : 

  1. L'anesthésie. Il existe plusieurs types d'anesthésies : 

    • L'anesthésie chirurgicale. Si l'on endort votre bras avant de couper dedans, votre cerveau ne peut plus recevoir l'influx nerveux l'informant de l'intrusion du scalpel. Donc il n'est pas au courant du fait que l'image physique du corps est atteinte. Donc il ne souffre pas. (C'est pour cette même raison qu'à l'aide d'un drap l'on cache l'intervention au yeux du patient.) L'amaigrissement est à rapprocher de cette forme d'anesthésie : l'état hébéthé de malnutrition, la "bulle" de l'anorexique lui confère un véritable stupéfiant, un état de léthargie, d'aveuglement, d'anesthésie d'un corps réduit au minimum, tournant au ralenti.

    • L'anesthésie mentale. Quelqu'un qui a été correctement endoctriné a une image de lui-même inébranlable. Insensible à la réalité, quoi qu'il arrive cette personne ne souffrira pas, parce que son image de soi ne peut être atteinte.OU du moins il reviendra par une méthode butée d'autopersuasion à ses convictions (ça peut être "j'ai raison, je suis un incompris" tout comme "je suis une grosse vache moche même si on me dit le contraire, on me ment") Cette méthode à bien sûr ses limites ; on ne peut pas résister à n'importe quoi ni se convaincre de n'importe quoi (on ne parle pas des cas spectaculaires extrêmes qui se prennenet pour Napoléon).

  2. La souplesse. Si votre image de vous-même est par exemple "je suis un travailleur qui rentre chez lui le soir et doit trouver un foyer accueillant", il est évident que vous allez beaucoup souffrir. Il suffira d'un visiteur inopportun, d'un quelconque changement de programme, pour que votre image soit perturbée. Par contre, si votre image de vous-même est par exemple "je suis quelqu'un dont le rôle est d'adapter son image de soi en fonction des événements", rien ne pourra vous blesser. Quoi qu'il arrive, vous aurez toujours une image de vous-même cohérente. 

Les personnes qui ont une image d'eux-mêmes qui n'est pas satisfaisante au vu de la réalité, essayeront parfois de redessiner la réalité dans leur tête pour qu'elle correspondent mieux à ce qu'il faut pour qu'une meilleure image eux-mêmes en découle. En d'autres termes; comme nous voulons avoir une image de nous-mêmes la mieux possible, nous changerons notre vision du monde et des valeurs pour que notre image de nous-mêmes y trouve une position plus valorisante. 
Un mythomane est quelqu'un qui a une image de lui qui ne correspond pas à la réalité. C'est une sorte de drogue, un paradis artificiel naturel.  

Le travail d'un psychologue consiste parfois simplement à faire remarquer à son patient que son image de soi est tout à fait acceptable, qu'il n'a pas besoin de la nier ou de déformer sa vision du monde. On a bien dit parfois.

 

 

 

CAREFUL ! 
Il faut faire attention aux liens de cause à effet. Des manquements dans l'établissement de l'image de soi peuvent occasionner beaucoup de problèmes différents : boulimie,anorexie, associabilité, instabilité du comportement, fainéantise exagérée,timidité, exubérance...

Or, il arrive qu'une personne ayant des manquements à l'image d'elle-même présente plusieurs problèmes en même temps.

Prenons un exemple en associant 2 troubles de la liste ci-dessus : boulimie et fainéantise,au hasard. Les gens pourraient avoir tendance à réagir face à cela en disant par exemple "Il est fainéant parce que il est boulimique." ou "ilo est boulimique parce qu'il est fainéant". C'est faux et dangereux. Faux parce que les deux problèmes ne découlent pas l'un de l'autre mais au contraire découlent chacun de son côté d'un même manquement à l'image de soi. Dangereux parce que agresser ces personnes en leur disant "Tu ferais bien de te remuer un peu.", va leur confirmer qu'ils sont nuls, donc détériorer davantage leur image eux-mêmes, donc les rendre encore plus fainéants et boulimiques (et donc "justifier" encore plus l'opprobre de leurs agresseurs). Si on veut réellement aider quelqu'un, cela demande un travail autrement plus compliqué que bêtement lui passer un savon. 

 

 

ISSUES ET EPILOGUES
Quelqu'un qui n'arrive pas développer une certaine image de lui-même peut être tenté de vouloir développer son image dans un autre domaine. Par exemple, quelqu'un qui n'arrive pas à se réaliser en tant que père de famille sera parfois amené, sans s'en rendre compte, à se réaliser en tant que bête de travail. D'où un cercle vicieux, puisque le fait de se consacrer entièrement à son métier l'éloignera encore plus de sa famille. Il faut éviter cela. Il faut faire un équilibre entre les deux mondes, ils s'en trouveront alors tous les deux renforcés. (En réalité il ne faudrait même pas que les deux mondes soient séparés.) 

Le suicide est une idée souvent idiote pour effacer une image de soi qui ne convient pas. Ou stopper le perpétuel doute, la perpétuelle douleur d'une existence qu'on traverse de travers.

La dépression est le fait d'essayer en vain de recomposer une image de soi. On essaye de progresser, de réaliser quelque chose, mais cela ne marche pas. On se heurte la tête contre un obstacle, on se ronge à essayer de faire quelque chose. On constate qu'on est capable de rien. Notre image de soi se lézarde, se fissure, tombe en poussière. La souffrance peut en être extrême. On se détruit peu à peu, on devient une loque. Un dépressif peut être très jovial et généreux avec des inconnus (qui ne font pas partie de son image de lui-même) et une heure après être totalement apathique, indifférent voire agressif avec des personnes qu'il connaît bien (qui font partie de son image de lui-même). (Cette approche psychologique de la dépression est utile pour comprendre et aider un dépressif. Mais une médicalisation est le plus souvent nécessaire aussi. La dépression passe par de graves troubles neurochimiques dans le cerveau. Le cerveau est par exemple à court des neurostransmetteurs chimiques qui lui permettraient de fonctionner et donc de gérer les problèmes. Dans beaucoup de cas la médicalisation peut se limiter à soigner son alimentation, se faire dire de prendre du ginseng et faire une cure de millepertuis. Les fleurs de Bach et autres trucs de gourou bien intensionnés.

On prend du temps pour parler de ses problèmes, apprendre de nouvelles attitudes mentales, apprendre à mieux vivre avec les autres... On peut résoudre le problème de la dépression sans utiliser de médicaments "lourds". Ces médicaments lourds restent nécessaires dans beaucoup de cas, au moins pour passer le cap le plus difficile.

 

La haine, le rejet :  Supposons qu'une sangsue s'accroche à nous. Elle fusionne avec nous et tente ainsi de s'imposer à notre image de nous-même. La réaction normale d'un être humain est d'avoir une réaction de rejet vis-à-vis de la sangsue, de vouloir la retirer à tout prix. Elle ne fait pas partie de notre image de nous-même, elle est "incompatible". Sauf peut-être si nous sommes un biologiste "amoureux" des sangsues, qui les étudie, les comprends et peut se laisser pomper le sang pour les nourrir sans que cela ne lui pose de problème, comme une mère allaite son enfant. Les sangsues font partie de l'image de soi du biologiste tout comme un enfant peut faire partie de l'image de soi de sa mère. Il existe une affection mentale rare chez les êtres humains qui consiste à rejeter un membre de son corps. Par exemple les jambes. Certaines personnes ont un rejet vis-à-vis de leurs jambes, comme d'autres pourraient avoir un rejet vis-à-vis d'une paire de sangsues. Leur cerveau considère que les jambes ne font pas partie de leur corps. Ces personnes sont prêtes à payer pour qu'on les opère et qu'on leur enlève les jambes, tout comme d'autres seraient prêtes à payer pour se faire enlever des sangsues fermement implantées. 

Les opiacés permettent d'anesthésier les douleurs à l'intérieur du cerveau. On peut donc les utiliser par exemple quand on veut opérer une personne. Elle ne souffrira pas des incisions pratiquées dans son corps, de ce qu'on y introduit et de ce qu'on en enlève. On peut les utiliser pour calmer les douleurs d'une personne qui a perdu un membre. On peut aussi les utiliser pour greffer ou retrancher des parties de l'image de soi d'une personne. Il est facile de voir le lien avec les pathologies de l'image : pouf, les opaciées (morphine, héroïne, opium) réconcilient les conflits par leur action anesthésiante physique et mentale (action sur le cerveau, donc aussi bien au niveau des douleurs physiques que des douleurs psychologiques, qui je vous rappelle, sont gouvernées par les mêmes aires cérébrales..)

Les héroïnomanes, en particulier, sont des personnes qui s'amènent elles-même à croire des choses délirantes et à oublier des choses essentielles de la vie. 

 

 

CONSTRUCTION ET IMAGE
S'édifier, c'est se donner des certitudes, aussi arrogant que cela puisse paraître.Etre certain qu'on ne fera que douter de tout est déjà une certitude (vous me suivez?).

Il y a deux sortes de personnes. Il y a ceux qui se construisent en construisant les autres. Il y a ceux qui croient se construire en détruisant les autres. 

 

(Vénus se regardant dans un miroir, D.Velasquez)


Chacun se construit une image de soi, plus ou moins artificielle. "Connais-toi toi-même !". Ceux qui ne se connaissent pas, qui croient se connaître, sont potentiellement "dangereux". Ils vont entreprendre, promettre ou imposer des choses irréalisables. Ou ne pas faire des choses qu'ils pourraient faire. Les gens qui les entourent, les parents et les éducateurs en particulier, jouent un rôle important dans ce fait. Celui qui croit être quelque chose mais qui ne l'est pas en réalité, dans le meilleur des cas s'en rendra compte et adaptera son image de soi. Mais il peut aussi persister et vouloir coller artificiellement à son image de soi. Cela peut lui causer de lourdes pertes en temps, en argent, en crédibilité, cela peut à terme ruiner son image de soi entière. Certains font une névrose : ils savent plus ou ou moins ce qu'ils pensent être mais souffrent de ne pas l'être réellement. Alors qu'ils pourraient être très heureux, à condition d'intégrer une image d'eux-mêmes plus proche de la réalité. Certains éducateurs vont tenter naïvement d'empêcher la névrose en critiquant sans cesse l'image de soi de la personne. Cela crée à son tour d'autres problèmes. La seule solution est d'apprendre à la personne à être honnête, en lui donnant le bon exemple, et la laisser elle-même décider de ce qu'elle est et de ce qu'elle n'est pas, en l'aidant à l'occasion à se mettre elle-même à l'épreuve. 
Parcequ'un individu a besoin que ce qu'il est, et qui pour lui ne se définit fondamentalement que par une émotion, soit reconnu par les autres. Tomber amoureux est une reconnaissance mutuelle intense des émotions. Mais il arrive aussi que la personne se croit reconnue à ort, par un faux ami à qui elle veut s'accroicher, un faux amour, un bluffeur, un gourou, etc.. et en retire une intense jouissance. Alors qu'elle n'a fait que s'engluer dans les pétales d'une fleur carnivore. 

 


Chez certaines personnes, l'image de soi peut varier de façon totalement erratique au fil de la journée, passer d'un extrême à l'autre. Une voie possible pour résorber ces délires consiste à établir un dialogue entre les images de soi. Par exemple quand on est exalté on s'adresse à soi-même pour quand on était ou sera dépressif. Et quand on est dépressif on essaye de parler un peu avec la personne que l'on a été et que l'on sera quand on est exalté. Ainsi on établit des liens, on fait communiquer les vases entre eux et on résorbe l'amplitude des oscillations. 

Tout blanc, tout noir, je me plais, je me hais, et au final toutes les interrogations qui restent là, à vous narguer le soir dans votre salle de bain, face au miroir.

Ne plus avoir à se voir.

Ne plus avoir à se faire voir aux autres.

On rêve de ces solutions de facilité.

Alors on s'isole, alors on disparaît, petit à petit.

Revenir à la lumière, glorieusement, accepter les regards, les doutes, les oscillations..c'est clairement moins facile que ça en a l'air..


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17/09/2011
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