Le corps dans la main

Melancholia

 

 

 

Il n'y a plus de poètes. Vous croyiez que la mélancolie était une doux désespoir lyrico-romantique? Je vous vois venir avec vos promenades sur la plage par un ciel gris, le froid salvateur sur vos joues encore salées, votre incommensurable chagrin d'amour se reflétant dans le zinc d'un bar huppé éclairé des projecteurs d'une ville de décembre. Revenons à la réalité : la mélancolie ce n'est pas Chateaubriand, ce n'est pas le titre d'un film de Lars Von Tiers, c'est le diagnostic brutal d'une maladie psychiatrique. Le plus beau d'entre tous, soit dit en passant, par cette même méprise qui en fait un état vagabond plein de fleurs et d'images. En faire un terme médical catégorique et implacable relèverait presque de la grossièreté. En témoigne cet extrait de formation pour Infirmier de Secteur Psychiatrique.

  

 


MÉLANCOLIE  et  MALADIE  MÉLANCOLIQUE

 

 

Définition de la mélancolie (sic)

État de dépression intense vécu avec un sentiment de douleur morale, et caractérisé par le ralentissement et l'inhibition des fonctions psychomotrices et psychiques.

Cette dépression profonde de l'humeur est marquée par:

  • une inhibition psychomotrice (perte de l'initiative, ralentissement psychomoteur, parfois état de stupeur...);

  • une douleur morale intense avec désespoir, anxiété majeure et auto-dépréciation;

  • des idées délirantes sur le thème de l'indignité, de la culpabilité ou de la ruine;

  • un risque suicidaire élevé.

La mélancolie est un versant grave de la dépression. Elle s'inscrit de ce fait dans la PMD (ou Psychose Maniaco-Dépressive). 

 

"Le desespoir est une forme supérieure de la critique", Léo Ferré.

 

 

Clinique 

Période d'état : l'aspect du mélancolique est pâle, prostré, immobile, muet ou ne proférant que plaintes et gémissements. Son visage devient tragique, ses traits sont décomposés. Au niveau du comportement alimentaire, le patient refuse toute nourriture. Il déambule lentement jour et nuit en proie à une angoisse très perceptible. Chez les femmes, on constate souvent une aménorrhée. Le ralentissement du tractus digestif entraîne des constipations, de l'aérophagie. Le patient a un pouls inconstant, une tendance à l'hypotension. Quand il communique, c'est pour s'accuser de fautes antérieures ou demander qu'on mette fin à sa vie. Il existe alors un grand risque suicidaire (impulsion-suicide). Pâle, prostré, muet? décrit on un fantôme? hélas, ce serait si simple, mais le mélancolique se cache,d'ou la rectification suivante : il est pâle, se déplace avec raideur mais se déplace, rit et parle d'un ton badin, mais parfois sans conviction je le concède. Et puis c'est quoi ce diagnostic au teint? tu parles d'une formation psy, dis moi.. 

 

Le syndrome mélancolique comprend une humeur triste, un ralentissement idéomoteur (un ralentissement idéomoteur? diable non! les idées ne ralentissent pas, elles tournant en rond, c'est différent. Et puis merci pour le néologisme bas de gamme), des idées de suicide, une réticence aux sollicitations, des insomnies, des troubles digestifs, une perte d'appétit, un désintérêt global (là on est d'accord, le conférencier, Chateaubriand et moi.)

La communication, quand elle démarre, est lente, les réponses sont proférées à voix basse, entrecoupées de soupirs.

(ahum, cliché ridicule de la part d'un praticien, on n'est pas dans un sitcom)

Le discours est centré sur le patient, rien d'autre n'existe. Toutes ces idées pessimistes orientées vers la faute ou le malheur ont pour conséquence les conduites suicidaires du mélancolique.

  

 

La réticence

C'est un symptôme très fréquent, à tous les stades de cette maladie. Le malade ne parle pas, ou bien parle mais dissimule, diminue, amoindrit les troubles psychiatriques qui l'envahissent. Il taira en particulier les idées de suicide. La réticence est un signe de dangerosité, notion que le soignant devra avoir régulièrement à l'esprit, que ce soit lors des entretiens infirmiers, ou dans le quotidien du service d'hospitalisation. Une amélioration apparente pourra n'être qu'une façade pour endormir la surveillance.

 


Suicide et risque suicidaire

Le risque suicidaire est difficile à évaluer, mais schématiquement on peut opposer deux circonstances:

  1. Celle où il est latent, non exprimé, clairement perçu par l'entourage. C'est la circonstance la plus sérieuse, définissant réellement un "accès mélancolique vrai";

  2. Celle où il est annoncé bruyamment (suicide chantage) au cours d'un état dépressif sur terrain névrotique non périodique.  

 

Le suicide peut se faire sous différentes formes, de façon bien préparée, cachée, ou par impulsion, lors d'un raptus. Le refus d'aliments représente également un moyen de se suicider. Le suicide du mélancolique peut aussi être altruiste. Le patient agit alors pour lui et pour les autres, entraînant son entourage dans la mort. 

En fait, on comprend dans les conduites suicidaires: les conduites passives par le refus de s'alimenter (sans blague?), le suicide systématiquement préparé, le raptus de suicide ou impulsion fulgurante à se donner la mort, et enfin le suicide collectif avec véritable massacre familial.

 

 


Traitement d'urgence 

Cette recherche de la mort et ce refus des moyens de vivre (refus de nourriture, perte des instincts de conservation...) vont dicter une conduite urgente. Ce sera l'hospitalisation en psychiatrie avec la mise en place d'un traitement antidépresseur (pharmacologie par voie parentérale), ou par sismothérapie (si c'est une question d'heures), associé à une nutrition et une hydratation immédiates. 

L'utilisation des antidépresseurs et celle des neuroleptiques sédatifs permettent généralement d'obtenir en une ou deux semaines la guérison de deux cas sur trois. La mélancolie délirante en particulier répond assez bien aux traitements antidépresseurs. La fin de l'accès mélancolique s'observe habituellement à l'hôpital en quelques semaines: soit de manière brutale, notamment avec les cures de sismothérapie (il faut alors se méfier des rechutes), soit de manière progressive avec les seuls traitements médicamenteux (le risque suicidaire dure alors plus longtemps).

  

L'ambiance autour du patient doit être faite d'attitude généreuse, de soutien fondé sur la compréhension de la douleur morale. Dit comme ça, on comprendra dès lors qu'il s'agit de montrer de la compréhension, pas de comprendre, pour ceux qui avaient encore des doutes.

L'isolement relatif est prescrit selon l'effet des visites sur le patient. La surveillance du risque suicidaire sera constante sans trop peser (c'est à dire pas d'objets tranchants, ni ceinture, ni coupe ongle ni cures dents,un pyjama de papier pour les plus véhéments, pas de portes qui ferment,des rondes mielleusesde blouses blanches toutes les heures)

La pose quotidienne de perfusions d'antidépresseur sera l'occasion d'être présent au lit du patient pour l'engager à exprimer son mal-être. Attention à la levée de l'inhibition qui survient après quelques jours de traitement antidépresseur (entre autre avec l'Anafranil): on associera souvent pour y remédier un anxiolytique ou un neuroleptique (à action anxiolytique et sédative comme le Tercian par exemple).

  

sismothérapie : la cure d'électrochocs demeure particulièrement indiquée dans la mélancolie anxieuse ou agitée. Elle est précédée d'une exploration minutieuse de l'appareil cardiovasculaire. (ouf, un peu de bon sens) Le nombre des séances est de 6 à 8 à raison d'une séance tous les deux ou trois jours. Les électrochocs sont faits sous narcose (pour supprimer l'appréhension et l'anxiété) avec prémédication curarisante (pour éviter les risques de luxation ou de fractures). Qui a vu Vol au dessus d'un nid de coucou ???

 


On notera quand même après ce joli paragraphe ce besoin constant de sauver son prochain tel un super héros incompris du patient lui même. A mon avis, ceci aussi mérite une petite réflexion sur le divan : qu'espère t'on? de la sollicitude? celle de la famille? de la société saine qui est reconnaissante qu'on traite ses fous? oeuvre t'on par automatisme? l'envie de mourir est un déréglement, auquel je dois suppléer par la force de ma conviction?

On s'insurge quand un imbécile balance des propos du genre "les homos doivent avoir une erreur de programmation" (je cite une phrase entendue récemment, pour ceux que ça heurte). Pour moi, prétendre que le suicide et la dépression sont des erreurs psychiques est à mettre sur le même plan. Ou on considère que tout ce qui ne va pas dans le sens de la multilpication et la survie de l'espèce est erroné, ou on l'accepte. Mais on ne fait pas moitié moitié. Soit ces 2 propos sont des inepties, soit il faut tout faire pour une société à 100 % fertile et prospère, dans un eugénisme absolu basé sur l'envie de reproduction.  

 

 


 

 

 

 

 



24/10/2011
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