Le corps dans la main

Velleités nocturnes



 

Autour de moi, le velouté des heures trop sombres, l'air coupé à mi hauteur par le son immaculé d'une voix de castrat. Les lumières de l'immeuble d'en face me rapellent qu'ailleurs on vit.

Et moi le nez à ma fenêtre, je goûte enfin à ne plus être vue. A quoi peuvent ressembler ces existences normales derrière ces rideaux tirés? Il est l'heure de se retrouver, de retrouver ses souhaits ardents, de regarder ses photographies mentales, son reflet dans la vitre, celui de la fleur grêle qu'on voudrait y revoir. Parceque le jour, lorsqu'on les aperçoit ces chimères, lorsqu'on découvre l' images fraiche d'une jeune fille aux grands yeux dans un album, que ce soit nous ou plus poignant encore une autre, une aujourd'hui insoupçonnable, une soeur repentie, lorsqu'on rencontre un mot, une vision qui nous lie instictivement à l'A.. (et dieu sait s'il y en a dans une journée) , on occulte, on garde ça en mémoire pour le soir, pour le dessert, pour l'apothéose des regrets qui tiennent  lieu de coucher.

  

"Après minuit commence la griserie des vérités pernicieuses."


Après minuit commence les pleurs d'une insolubilité dans son être. Pourquoi ? Bientôt? tu promets? Portés par la limpidité des voix, par la clarté d'une fatigue sous-jacente, par la solitude d'une nuit promise, les personnages dialoguent. L'atmosphère est à portée de main.

Les violons se taisent.. Je n'aime pas la réalité, remettez moi la musique du film.

Je veux encore être l'héroïne de ma tragédie,je suis desespérée de ne pas savoir me vendre au malheur physique. Indubitablement, c'est l'étape ultime qui ancre le vice dans la réalité : l'irréversibilité de la destruction réelle. Imploser, oui, mais exploser c'est mieux.

Parceque c'est le seul moyen de réveiller les myopes, ceux que vous haïssez, ces inconnus à qui vous avez envie de crier leur stupidité moralisatrice abjecte et leur éthique dérisoire, leur optimisme aveugle et leur bonté fortuite. Vous voulez leur balancer vos entrailles à la face, mais en vain, ils ne comprendront jamais, borné par des siècles d'humanité.

Soyez scientifiques, soyez jovial, soyez absorbés, soyez passionés, soyez efficaces,ayez la foi, mais ne soyez pas nihilistes. Elaborez toutes les conneries que vous êtes en mesure d'imaginer, inventez tous les gadgets que vous pouvez concevoir, mytifiez et glorifiez les théories les plus farfelues, mais surtout surtout pas celle-là. Pas celle du "je traine ma misérable carcasse en maudissant l'humanité, moi, les autres, ce que les autres sont à moi, et le non-sens absolu de toutes ces vies".

 

Mes propres mots sont dépourvus de sens, puisque le langage est un délire de plus. Donc la souffrance des mots est aussi un leurre de l'homme par l'homme. Les mots ont donné aux concepts d'existence et de sentiments une intensité néfaste. Ou alors ils les ont crées de toutes pièces. C'est un piège logique, et je m'y fourvoie d'autant plus que l'on s'en moque. Pauvre théoritisme absurde! A quoi penserait-on si le langage n'existait pas? ou plutôt comment penserait-on? ma tête déroule des mots comme un magnétophone, en continu. Sans eux, qu'adviendrait-il? Peut être au contraire dois-je les bénir, car ils me permettent de croire que la chimie de mes pensées peut être éjectée en phrases, transcrite, décrite. Peut être que sans eux, je serai comme paralysée par un sentiment de panique, par le besoin insatisfait de dire, de cerner, de trouver sans pouvoir. Voilà, encore une fois je m'égare.

Les voyants sont muets à présent.

Je sais que je ne dormirai pas.

 

 

 

 


 

 

 

 



19/10/2011
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