Le corps dans la main

Petite considération venimeuse sur le temps

 

 

 

 

Le temps c’est obscène.

La perspective du temps à tuer alors qu’on le sait vainqueur insurmontable, poids lourd dans la catégorie surhumaine, est un ring qui nous nargue de ses horloges grinçantes. Tout loisir n’est qu’une œillère d’optimisme pour ne pas voir cet horizon abject qui nous prédit l’inconsistance.

 

Le coq des lendemains sonne comme une trompette de bataille. Le combat du jour précédent est achevé, on ramasse ses morts, sa gueule de bois et ses rancunes. Et l’on re-selle son cheval, l’on remet son armure d’agendas, de journées remplies, d’espoirs et de consolations. On prend le frais quelques instants sur le pas de sa porte. Mais tout finit trop tôt et le masque d’utilité des gestes quotidiens retombe avant que le soleil se couche. La muselière nous est ôtée, et nous sommes hagards devant cette liberté dont nous ne voulons pas. Et maintenant ? Que faire ? Les drapeaux sans vent pour flotter se laissent pendre au bout de leur mât. Le néant des possibles est trop vaste. Et pourtant rien n’engage, rien ne parvient à faire se mouvoir la bannière oubliée. Vents, mois, années, marées, ces courants hostiles nous pressent. Nous devrions leur en être reconnaissants, ils nous évitent d’être confrontés à la vanité de nos existences d’occidentaux rangés. Sauver l’humanité, faire progresser la médecine, la technologie, aider son prochain, voilà autant de niaiseries nées du besoin de s’occuper, d’occuper des siècles d’humanité. Défait de ses besoins primaires, l’Homme n’est rien, l’Homme est vide. L’Eden devait être bien chiant, voilà la plus plausible des explications à la faute originelle.


Quand l’homme s’ennuie, il distille, il dépense son temps en toutes sortes de convictions et de sentiments, d’émotions, de disques noirs et de pilules vertigineuses, et puis il oublie le pourquoi de tout ça et se persuade d’avoir trouvé le passe-temps qui légitime son droit à vivre. D’ailleurs en voilà une exécrable expression : le passe-temps. On ne peut pas passer le temps. Le temps s’écoule sans demander son reste, nous laissant nus au matin dans le lit, seuls. Le temps nous viole à chaque heure qui s’écoule. Il se rit de nos hésitations, nous tend avec sadisme des symphonies futures qu’il retire aussitôt. Faiseur de mirages. Faiseur de soif.

Et puis ä quoi bon ne pas perdre un temps que l’on hait ?

Rares sont les instants, où avec un sentiment de victoire grisante, l’on parvient à se dire : « je n’ai pas vu le temps passer ». L’absorption, le brouillard suffisant pour s’abstraire, sont des clés minimes contre l’épreuve des minutes. Mais l’être humain est physiologiquement conditionné à la dimension temporelle : ses organes et de son cerveau même suivent sans autre mesure possible _ autre terme exécrable_ une horloge interne. La biologie s’oppose à l’intemporel. Perdu d’avance je vous dis. La négation ou l’absorption. La folie consciente ou la déraison passionnée. Et encore, ce sont des solutions de fortune..c’est perdu, je vous dis…

 

 

 

Voilà un sujet récurrent, hélas je le sais, je ne décolère pas. Je suis bien loin d'être la seule, si vous ne me croyez pas, tapez littérature+temps dans un moteur de recherche quelconque... trêve de justifications qui n'ont pas lieu d'être là, le thème du temps est en général (qu'est ce que la généralité en matière de psyché ??) corrélé avec les troubles alimentaires.

L'anorexie, la boulimie, au final, c'est une mauvaise gestion de l'espace (de l'espace propre), et en psychanalyse on lie le rapport au temps avec celui à l'espace. L déni de l'espace pris par son corps est fortement lié avec le déni du temps dans cette théorie. Ce n'est pas (qu')un délire personnel...

 


« La sensibilité au temps est une forme diffuse de la peur » E.M. Cioran



20/12/2011
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