Le corps dans la main

Les régimes amaigrissants seraient déjà des troubles du comportement alimentaire

Un article du GROS (!) (Groupe de Reflexion sur l'Obesité et le Surpoids)qui prétend que toute forme de contrôle de son alimentation même dans le cadre d'un régime "simple" est déjà une forme de troubles alimentaires, dès l'instant le mental intervient sur la prise de nourriture et l'appétit. 

Bien souvent l'Anorexie au stade "pratique" est déclenchée par un petit régime. Je ne dis pas que c'est systématique, mais que c'est fréquent.

L'idée est que l'omniprésence des offres pour maigrir, des livres de nutrition, des diététiciens plu ou moins patentés créent chez tout le monde un complexe a manger. Alors la question est : pourquoi une telle ampleur chez certain(es)? 

 

Néanmoins les schémas décrits par les auteurs sont assez interressants, même si a priori ils s'appliquent à des "régimeuses non anorexiques", les régulations physiologiques sont les mêmes pour tout le monde. A moins que? A moins que lon découvre une mutation favorisante, une insuffisance génétique dans une proteine impliqueée dans les signaux d'appétit, de régulation des sensations alimentaires. Mais c'est une pure hypothèse. On a déjà observé des mutations de gène ob codant pour la leptine chez les obèses. Mais le fatalisme génétique n'est pas une solution non plus !

  

(Vous trouverez des petits ndlr personnels tout au long du texte..)

 

 


  

Gérard APFELDORFER, Jean-Philippe ZERMATI. Les régimes amaigrissants sont des troubles du comportement alimentaire. Réalités en nutrition N°6, Dec 2007, 6-11
(Article paru dans Réalités en nutrition, mis sur le net avec l'aimable autorisation de Performances médicales, Paris.)


Résumé :

Le comportement alimentaire normal préserve les différentes homéostasies (ndlr : les équilibres en ions, solutés, etc) de l’organisme. Il est contrôlé par les besoins énergétiques et nutritionnels et motivé principalement par des sensations et des émotions alimentaires qui sont l’expression de ces besoins. Il est également motivé par les émotions et les sentiments exprimant les besoins affectifs de l’individu, et peut servir à restaurer l’équilibre émotionnel.
Manger en suivant un régime amaigrissant, ou un « programme d’alimentation équilibrée », consiste à exercer un contrôle d’ordre cognitif sur son comportement alimentaire en vue de maigrir ou de ne pas grossir. Le comportement alimentaire devient réflexif et non plus intuitif, et a été décrit sous le terme de restriction cognitive.
On peut distinguer 4 phases de restriction cognitive : dans la phase 1, les sensations sont perçues mais délibérément ignorées ; dans la phase 2, les sensations alimentaires sont perçues mais le sujet ne peut plus les respecter ; dans la phase 3, les sensations alimentaires ne sont plus perçues ; dans la phase 4, le comportement alimentaire est livré au seul contrôle des émotions.
La restriction cognitive, et donc les régimes amaigrissants, sont à considérer a minima comme un facteur de risque de trouble du comportement alimentaire, et à son maximum comme un trouble du comportement alimentaire.
L’inefficacité et la iatrogénicité avérées des régimes amaigrissants devrait conduire à des mises en garde de la population, à l’abandon définitif de ces pratiques par le corps médical.

Préciser les liens existants entre les régimes amaigrissants et les troubles du comportement alimentaire se heurte à un problème de définitions.

Ce qu’on entend par comportement alimentaire normal ne va pas de soi. Concernant les troubles du comportement alimentaire, le DSM IV ne retient que deux troubles, l’anorexie et la boulimie. L’Hyperphagie boulimique ou Binge Eating Disorder, est considérée comme une voie de recherche et le syndrome de restriction cognitive, qui est sans doute la grande affaire de notre génération de mangeurs, n’y est pas spécifié en tant que trouble. 


 

1. Le comportement alimentaire est un comportement motivé

Cela signifie qu’il est activé par les informateurs des systèmes de régulation. Chez les mammifères, ils sont d’ordre sensoriel ou émotionnel. Il n’y a aucune raison de penser qu’il n’en va pas de même chez l’Homme. 
On sait aujourd’hui que les informations concernant les variations des réserves énergétiques parviennent au cerveau par l’intermédiaire de variations des concentrations de leptine et de glucose dans le sang (ndlr : la glycémie active les hormones insulines et glucagon selon qu'elle est haute ou faible, et la leptine est activée comme senseur de satiété)


Ces informations parviennent à la conscience sous la forme de sensations alimentaires.

(ndlr : les taux de nutriments dans le sang activent des hormones régulatrices, et celles ci sont réceptionnées par des organes cibles pour enclencher le stockage ou la combustion selon le cas, mais aussi par des airs cérébrales pour agir sur la prise de nourriture) 

L’apparition, la diminution et la disparition du besoin énergétique prennent successivement la forme des sensations de faim, de rassasiement et de satiété.

Dans le cas de l’homéostasie émotionnelle, la motivation à manger provient de la prise de conscience d’un état de tension physique consécutive à la présence d’une émotion (ou émotion extra-alimentaire). La consommation d’un aliment affectionné et induisant des sensations fortes permet de réduire cette tension et produit une sensation de réconfort.

(ndlr : une sorte de circuit de conditionnement, qui cette fois est purement cérébral, un aliment qui nous procurera du plaisir physiologique une fois parceque notre corps était en hypoglycémie est "enregistré" comme favorable. Alors on recherche de nouveau cette srnsation, même sans le signal hormonal de besoin)
Comme les systèmes de régulation sont souples et fonctionnent sur des durées allant de plusieurs jours à plusieurs mois, ce type de comportement ne met en péril l’homéostasie énergétique ou nutritionnelle que lorsque les comportements alimentaires échouent à rétablir l’équilibre émotionnel.

2. Le comportement alimentaire est un comportement sensé

Les représentations de la nourriture sont en grande parti liées a la culture, l'histoire familiale et personnelle du mangeur. Des représentations positives induisent des émotions positives qui contentent le mangeur, le nourrissent, et participent à son rassasiement. (ndlr : exemple typique de représentation positive : vos repas d'enfance préférés, ou ce que vous avez appris comme étant sain et parfait, la "safe-food", donc si vous comprenez bien, associez suffisamment de représentation positives, et vous serez rassasiées avec une tomate ;) )

Des représentations négatives concernant les aliments ingérés induisent des émotions et des sentiments tels que l’anxiété, la culpabilité, la dépression, la colère, la honte, qui empêchent la perception et la prise en compte des sensations de rassasiement.

(ndlr: explication partielle de pourquoi une crise de boulimie continue et continue, malgré la colère et le dégout, non? )

 

3. Qu'est ce qu'un régime amaigrissant? définition.

Peut-on suivre un régime amaigrissant tout en conservant un comportement alimentaire normal, physiologique ? Pour répondre à cette question, nous allons tenter de préciser ce qu’on entend par « régime amaigrissant ».
Peut-on définir le régime amaigrissant comme un régime hypocalorique ? Certains individus ont aujourd’hui des rations caloriques inférieures à 1500 calories par jour sans pour autant s’astreindre à un régime, alors que d’autres maigrissent avec des prescriptions énergétiques de 3000 calories par jour. (ndrl : vous êtes comme moi, vous vous étranglez à de tels chiffres??)
Peut-on définir le régime amaigrissant par la préconisation de certains interdits alimentaires ? En fait, les régimes modernes, si on les prend à la lettre, n’interdisent rien. Ils se contentent de recommander et de contingenter.
Serait-ce alors la frustration occasionnée qui permettrait de définir le régime amaigrissant ? Certaines personnes semblent plutôt jouir du manque et en viennent à trouver les aliments allégés plus savoureux que les aliments normaux, les poudres de protéines meilleures que les gâteaux.
Ou bien encore, devra-t-on réserver le terme de régime à des modifications de l’alimentation limitées dans le temps, et parler d’« hygiène de vie » lorsqu’il s’agit de changer son mode d’alimentation de façon permanente ? Cette dernière définition aurait bien sûr l’immense avantage d’exonérer les « programmes d’alimentation équilibrée » du terme infâmant de régime amaigrissant.

4. Comportement réflexif

On peut plus justement considérer qu’un individu suit un régime amaigrissant dès lors qu’il exerce un contrôle d’ordre cognitif sur son comportement alimentaire en vue de maigrir ou de ne pas grossir.
L’individu se nourrit alors sur un mode réflexif. Il se fie à des croyances qui définissent les conduites alimentaires les plus adaptées à son projet d’amaigrissement. Ces croyances concernent les quantités d’aliments à consommer, leur composition, les mélanges autorisés, les méthodes de cuisson et d’assaisonnement, les horaires, la façon de les ingérer.

(ndlr: le terme de croyance me paraît inadéquat : on sait aujourd'hui comment marche le métabolisme non? Bien sur, après on a toujours nos propres régles "bonus" mais il y a quand même une part de vérité sur ce qui va faire maigrir ou frossir, ça n'a rien de divinatoire)


Cette stratégie de régime se traduit par un échec global. Les chiffres les plus couramment avancés concernant le taux de réussite des régimes amaigrissants sont de 75% de bons résultats dans la première année, suivis de 80 à 90 %. d’échecs, c'est-à-dire de reprise pondérale, lorsque la période considérée est de 3 à 5 ans.
L’échec des régimes doit être compris comme l’échec du contrôle cognitif du comportement alimentaire sur le moyen et long terme. 

 

5. Conséquences d’un comportement alimentaire principalement contrôlé par des cognitions

 

On peut donc opposer une alimentation réflexive, qui oblige à un contrôle volontaire, rarement compatible avec les sensations et émotions ressenties, et une alimentation intuitive, qui oblige à une écoute des sensations et des émotions alimentaires, une prise en compte des représentations alimentaires.
Le comportement alimentaire réflexif, principalement contrôlé par les cognitions, correspond à ce qui a été décrit sous le terme de restriction cognitive. Nous définissons la restriction cognitive, qu’il serait préférable d’appeler contrôle raisonné, par l’intention de contrôler mentalement son comportement alimentaire dans le but de maîtriser son poids. Cliniquement, nous pouvons décrire la restriction cognitive comme un glissement d’une tentative de contrôle mental vers un contrôle de plus en plus émotionnel du comportement alimentaire, se décomposant en quatre phases ou états selon leur degré de sévérité : voir ci dessous.

 

6. Description des différentes phases dans un régime 

 

Phase 1 - Les sensations et émotions alimentaires sont perçues mais délibérément ignorées  : le sujet adopte un certain nombre de règles diététiques, le plus souvent issues de recommandations médicales comme : ne pas manger entre les repas, faire 3 repas par jour, favoriser la consommation de certains aliments (manger 5 fruits et légumes par jour, manger un laitage à tous les repas) ou éviter la consommation de certains autres aliments. Pour suivre les règles qu’il s’impose, le mangeur doit souvent s’opposer à ses motivations à manger, telles qu’il les ressent. Il élabore pour cela diverses stratégies pour régler les fréquences ou les quantité consommées, ne pas se trouver en présence des aliments convoités, compenser la consommation imprévue ou inévitable d’aliments jugés grossissants. (ndlr: rappel : les auteurs parlent de gens normaux qui suivent un régime là, ça ne vous rappelle rien?) 

 


 

Phase 2 - Les sensations et émotions alimentaires sont perçues mais le sujet ne peut plus les respecter, le comportement du mangeur est progressivement dominé par des schémas conditionnels inconscients qui peuvent par exemple s’énoncer : « Si je consomme un aliment interdit, je dois en profiter au maximum car je n’y aurai plus droit par la suite » ou « Si je mange beaucoup d’aliments autorisés, je n’aurai plus envie des aliments que je m’interdis ». Ces schémas génèrent des émotions induites, centrées sur la peur d’avoir faim, de manquer, la culpabilité et la frustration. Il peut aussi s’agir de colère, de honte, de désespoir, de tristesse. 

 

Le comportement alimentaire est alors contrôlé par les schémas et les émotions induites, et non plus par les sensations alimentaires de faim et de rassasiement, signalant normalement les besoins énergétiques. Par exemple, la peur de manquer obligera le mangeur à augmenter sa consommation, comme pour constituer des provisions avant de futures privations. La culpabilité, l’anxiété de grossir conduiront à des comportements de type dichotomique, où on se réfrène de manger malgré sa faim et ses appétences, mais où on mange sans limite, sans tenir compte des sensations de rassasiement, lorsqu’on a dérogé à l’interdit. (ndlr : en plein dans le mile en ce qui me concerne "je mange comme si c'était mon dernier repas" parceque je sais que je ne vais manger que des carottes crues pendant 1 semaine, ou lorsque a crise commence, je me réfrène tout le long, tout en continuant le briser les interdits, parceque "foutu pour foutu")

 


 

Phase 3 – Les sensations et émotions alimentaires ne sont plus perçues  : vient un moment où les sensations alimentaires cessent d’être perceptibles. Le mangeur ne ressent plus ni faim, ni rassasiement, ni appétits spécifiques. Dès lors, le mode cognitif s’impose comme le seul contrôle possible du comportement alimentaire. Ce contrôle oblige à une attention permanente, occupant l’espace cognitif du mangeur, et génère des émotions induites qui vont croissant. L’influence des émotions extra-alimentaires ne cesse d’augmenter. 

 

(ndlr : la phase piège : celle ou l'on pourrait ne plus manger du tout, en dehors de la bonne conscience qu'on a envers les autres qui nous voient avec soulagement grignoter une pomme et un yaourt) 

 


 

Phase 4 – Le comportement alimentaire est livré au seul contrôle des émotions : le mangeur ne parvient plus à contrôler volontairement et consciemment son comportement alimentaire de façon permanente. Il peut alors alterner des périodes de contrôle mental avec des périodes de contrôle émotionnel qui prennent des formes variées, qui vont du grignotage impulsif à la boulimie, ou qui se traduisent par des repas exagérément abondants.(ndlr : lorsqu'on perd les pédales, et que la belle anorexie pure du début se mue en une alternance anorexie-boulimie,restriction-voracité..souent d'ailleurs enclenchée par une phase ou l'on croit aller mieux et ou on brise quelques tabous alimentaires, sous prétexte que de toute façon les médecins nous ont dit de grossir..) Une moindre résistance physique et mentale, des événements de vie, des problèmes émotionnels, ou bien le fait d’avoir transgressé un interdit alimentaire, peuvent déclencher une perte de contrôle.Au stade ultime, il n’y a plus de retour du contrôle mental. Le comportement alimentaire est entièrement contrôlé par les émotions induites et extra-alimentaires. C’est le cas Boulimique. Une baisse de l’estime de soi, un état dépressif, divers désordres psychopathologiques sont induits par cette situation.

 

 

7. Les différents stades de gravité de la restriction cognitive

(Il peut s’agir de stades installés ou d’états transitoires)  

 

Restriction cognitive légère : "Je sais que j’ai faim, mais je ne dois pas/plus manger."  

Les sensations et émotions alimentaires sont clairement perçues mais le mangeur décide délibérément de ne pas en tenir compte. Les émotions induites sont encore à fort contenu positif. Les émotions extra-alimentaires exercent une influence modeste.

 


 

Restriction cognitive modérée : "Je sais que je n’ai plus faim, mais je ne peux pas m’arrêter." 

 Le comportement alimentaire reste principalement contrôlé par les cognitions. Les sensations et émotions alimentaires sont toujours perçues mais ne peuvent plus être respectées du fait de l’apparition d’émotions induites à fort contenu négatif. Le mangeur devient plus vulnérable à ses émotions extra-alimentaires. 


 

Restriction cognitive sévère :"Je ne sais plus si j’ai encore faim ou si j’ai assez mangé." 

 Les sensations et émotions alimentaires ne sont plus perceptibles. Le mangeur lutte douloureusement pour conserver un contrôle mental et ne pas céder à l’envahissement des émotions induites. La vulnérabilité aux émotions extra-alimentaires augmente.  


 

Restriction cognitive terminale : "Je mange sans faim et je ne peux plus rien contrôler" 

 Le mangeur n’exerce plus aucun contrôle mental sur son comportement alimentaire. Les sensations et émotions alimentaires ont complètement disparues. Les émotions induites et extra-alimentaires exercent un contrôle total sur le comportement alimentaire. (ndlr : horrible, abject, le concept de "phase terminale" non? c'est à vous bousiller vos espoirs de rédemption..)


 

 8.contrôle du comportement alimentaire par les différentes instances

 

 

Le niveau de restriction cognitive peut être plus ou moins important, allant d’une simple déconnection de ses sensations et émotions alimentaires, à des troubles du comportement alimentaire tels qu’ils sont définis par le DSM-IV. La restriction cognitive est à considérer a minima comme un facteur de risque de trouble du comportement alimentaire, et à son maximum comme un trouble du comportement alimentaire.
L’inefficacité et la iatrogénicité (ndlr : création de dépendance médicamenteuse, conduites phobiques, estime de soi troublée, etc..) avérées des régimes amaigrissants devrait conduire à des mises en garde de la population, à l’abandon définitif de ces pratiques par le corps médical, ou du moins à leur suspension, dans l’attente de données complémentaires.

(ndlr : eh bien, abandonner la pratique des régimes! ce n'est pas demain la veille, vu le marché ultra florissant que ça représente. Ce type est un utopiste, ou un radical, c'est a voir..)




21/06/2011
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