Le corps dans la main

Décembre 2011

 

7 décembre : Explosion, souffrance glorifiée, bouillie de pensées. Je suis noire.

La lumière des réverbères me fait mal; la lueur de ma cigarette se reflète d'une teinte psychadélique sur l'asphalte mouillé, noir, scintillant. La route défile, imperturbable. C'est fini, FINI. L'être humain est une approximation d'esprit et c'est toujoura une sourde rage de le découvrir. L'ego blessé se dégonfle comme une baudruche, cet ego synthétique qu'on avait construit à coup de rires, de romans et de philosophie cynique, cet ego aimé invicible, le voilà qui se rapelle soudain la grisaille de sa véritable existence : celle d'une silhouette engoncée de craintes, de boulimie et de dégout. Son ombre déambule sur le chemin détrempé, fière, orgueilleuse de la tournure dramatique que prend son déclin. Mais il est pourtant incontestablement vautré dans l'humain, dans le médiocre, dans le bestial. Ma haine n'en est que renforcée. Pas pour lui, pas pour moi, pour l'injustice de l'existence, pour la législation imposée de ce que l'on voudrait exacerber, pour toutes les cloisons mises. Alors je marche, fulminante, j'incise, machiavélique, je hausse les épaules, méchante. Peut être le suis-je vraiment. Amertume sucrée. 

Le refus est comme le sang : criant, interne, gênant, on se dépêche de l'épancher, pour ne pas faire tranparaître l'incohérence mondiale dans lequel baigne non seulement la société mais l'émotion humaine. 

 

16 décembre : le hais-je? ce serait trop facile. Même si j'ai une prédilection à faire compliqué, je ne m'y force pas. Bien sur que je voudrais l'enterrer vivant, mais froidement, déterminée. Parceque la souffrance est une vertu qu'on ne peut pas mépriser.

Je suis ethérée. La pluie lourde sur les carreaux tombe à pic pour accompagner les pleurs spleenesques de ces jours. C'est faux, je ne pleure pas,je suis étrangement calme. Violence rentrée, grisante, aérienne.

L'amour c'est un peu comme  le vin. Lorsqu'il est dégueulasse, l'amertume de s'être fait avoir n'en est que meilleure. 

 

17 décembre : Havre de paix silencieux, recouvert de neige hasardeuse, déjà lourde mais pourtant encore sous le joug du paysage humain. Bientôt c'est elle qui l'effacera. Sujet de conversation paysan, la neige..et pourtant la facination qu'elle engendre est intemporelle. Chaque année, sa venue agit comme un calmant, son enveloppe donne plus de légitimité encore à fuir ce et ceux qui nous entourent.

Je me contrefous de Noël, des vacances, des sports d'hivers. Je ne parviens pas à me réjouir. L'exhaltation est une chose indépendante qui vous prend, poétique, respiratoire. L'attente au contraire la tue. C'est une exhalaison mi-romantique mi-enfantine, qui naît du désespoir, de la contemplation, de l'amitié, de l'appréhension, du renouveau du jour, du surpassement physique.... 

Voilà, d'ailleurs je ne sens plus mes pieds nus dans le bourrelet de neige. Un glaçon sordide pend du réverbère. Je me sens minuscule, et c'est ce que je veux par dessus tout. L'émotion s'apaise avec le continu du frigo. Mais la contemplation est décuplée par le jeûne. J'aimerais recommencer. C'est trop tôt, peut être.


22 décembre : et voilà, il paraît que c'est Noël. Le néant du mois à venir s'ouvre, impitoyable jusqu'aux examens qui m'attendent, trop loins, trop faussements innocents. Je me prépare à être enfermée par la barrière familiale, par l'humiliation d'être désoeuvrée, par la confrontation constante aux normes de l'Avent, aux biscuits, aux marrons et aux bouteilles que l'on débouche. Moi je sais que je vais exploser.

Aujourd'hui était un lendemain. Une de ces journées avilissantes qui s'étiolent, molles et confortables, avec un sentiment de fatigue cérébrale un peu diffus.Tout ce qui me floute, je m'y sens bien. 

 


 

 



08/12/2011
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