La valse des visages indécis
Elle se balançe là, entre son lit et la Terre de Feu qu'elle vient de quitter, dans la tiédeur molle de ses chairs. C'est le matin, elle somnole encore quelque part sur un voilier, un pont, ou les bras d'un amant imaginaire. L'armoire de sa vie entrouverte, elle ne sait quelle chemise endosser.
Es-tu ce que tu es ou ce que tu n'es plus?
Faut-il accorder son pardon aux générations de moi précédentes ou vivre dans l'inextricable hérédité de leur vices? Ne peut-on pas renaître, bête et vierge? N'y a 'il un purgatoire mnésique pour tout effacer?
Elle rêve. De son sommeil le démon la possède et la possédera toujours.
Exorcisme?, expiation?, se dit-elle. Belle illusion! Comment veux-tu te défaire de toi-même? Au fond, ta seule consolation, ton seul joyau, c'est ce démon secret tapi dans tes entrailles. Tu es son hôte, sois donc aimable, logeuse attendrie, nourrice attentive avec cet enfant fragile qui était ton visage d'alors. Peut être, dans le bercement alangui de tes caresses, parviendras tu à l'endormir. Cesses donc de le réveiller de la sorte !
Pensive, elle vit dans un passé morbide, qui loin de la hanter, lui apparaît comme une preuve de sa témérité. Elle voudrait croquer, mais elle ne sait pas à quelle pomme. Celle d'une existence nouvelle éhontée et sensuelle, lui fait de l'oeil. Celle à laquelle elle se rappelle avoir goûté lui fait envie. Une autre l'éblouit par son authenticité simple et son charme sans ostentation.
Elle ronge ses ongles, elle les voudrait toutes.
Sa bouche est sèche, elle n'en a aucune.
Dépourvue de présent, elle se conjugue tantôt au passé, tantôt à l'avenir. A regarder l'horizon, elle se voit dans l'ombre de la Lune. C'est toujours elle qu'elle voit, elle et ses milles visages.
Pourquoi devoir renoncer à cette inexistence rêveuse qui lui permet d'endosser tous ces costumes comme bon lui semble?