Le corps dans la main

Enjambée

 

 

 

 




Derrière le voile pâle des rideaux, une silhouette encapuchonnée enfile un sac par dessus son épaule. Ses cheveux sombres retombent sur le col de la veste. La silhouette ferme la porte. Les rideaux s'éteignent. Sous les réverbères la masse de ses cheveux noirs réapparaît bientôt. Elle semble humer le ciel, les narines en offrande. D'où elle est, sous le halo des enseignes, sans doute ne voit-elle pas les étoiles effilées qui poiçonnent la nuit.

Ses jambes se mettent en branlent, et son ombre filiforme s'étire sur la chaussée, monte le long des blocs, épouse puis quitte les marchepieds et les trottoirs. Les façades jaunes respirent en silence. Le mouvement imperceptible de ses hanches fait plisser le feutre lourd, d'un sourire à peine dans le creux de son dos. Les phares d'un taxi aveuglent furtivement le seuil d'une ruelle sombre et son passage déjà s'efface. Le capuchon poursuit sa course dans les échappées urbaines. Elle prend à gauche, d'un pas rapide et souple.A l'infini au dessus d'elle, les astres distillent leur lumière froide avec insistance. Mais dans l'air vif, la rue est chaude et des effluves d'humanité jonchent encore les trottoirs. Les sucs endormis des passants s'évaporent à la nuit fraîche, dans un petit brouillard drôle. Elle les possède, elle les efflueure, ces présences vides qui se sont imprégnées dans les cristaux du pavés. L'exhalaison du monde s'aggrippe à ses chevilles. Et le balancier de ses cheveux suit son tempo imperturbable.

Au carrefour, la voilà qui hésite. Les lumières rouges, vertes et roses se mêlent en un spectre dissonant. Et tandisque la pénombre absorbe de nouveau la silhouette, le capuchon transit se gonfle et se dégonfle comme un coeur qui bat. Le sac cogne à sa hanche, elle presse le pas. Une puis deux voitures la peignent et la dépassent. Bientôt elle s'arrêtera sur un banc pour contempler les toits et l'horizon qu'on ne voit pas. Elle tire une cigarette du sac, distraite.

Contre la balustrade le capuchon se penche. A sa fenêtre les rideaux sont tirés. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




11/03/2012
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