Le corps dans la main

Le Goût du Néant, Baudelaire

 

Le Goût du néant

 


Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte,
L'Espoir, dont l'éperon attisait ton ardeur,
Ne veut plus t'enfourcher! Couche-toi sans pudeur,
Vieux cheval dont le pied à chaque obstacle butte.

 

Résigne-toi, mon coeur; dors ton sommeil de brute.

 

Esprit vaincu, fourbu! Pour toi, vieux maraudeur,
L'amour n'a plus de goût, non plus que la dispute;
Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la flûte!
Plaisirs, ne tentez plus un coeur sombre et boudeur!

 

Le Printemps adorable a perdu son odeur!

 

Et le Temps m'engloutit minute par minute,
Comme la neige immense un corps pris de roideur;
— Je contemple d'en haut le globe en sa rondeur
Et je n'y cherche plus l'abri d'une cahute.

 

Avalanche, veux-tu m'emporter dans ta chute?

 

 

 

Charles Baudelaire

 

 


 

Nb : j'ai trouvé une traduction dont le titre est "The Desire for Annihilation", tellement plus direct et néanmoins traduit avec un beau cynisme, je me demande si je ne préfère pas...

 

 

 

 

 



05/03/2012
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