Le corps dans la main

Les troubles du comportement alimentaire sont-ils une drogue?

 

 

La rechute est fréquente dans les troubles du comportement alimentaire. D'où des chercheurs ont eu l'idée de faire un parallèle avec l'effet des drogues sur notre fonctionnement cérébral. La nourriture une addiction? c'est certain, c'est même la base de l'instinct de survie, nous avons un besoin psychique de nourriture pour satisfaire le besoin physiologique réel. Mais il s'agit ici de considérer les comportements alimentaires anormaux, boulimie, anorexie, TCA, comme des comportements menant à l'addiction : addiction au comportement et non pas à la nourriture qui n'en serait qu'un objet. Combien de fois je me suis fait moquer pour cette hypothèse : "le coup de l'addiction? une excuse, c'est le manque de volonté!" Le bien-mangeant, le bien-agissant a toujours du mal a accepter qu'on n'y arrive pas. Le toxico qui retombe, c'est parcequ' il est faible. 

 

(source :  Daniel RIGAUD - CHU Dijon, http://www.anorexie-et-boulimie.fr)

 

 

La difficulté de prise en charge des troubles du comportement alimentaire (TCA) réside dans la fréquence de la rechute (reprise du processus pathologique). Ainsi, sur une série de 487 malades suivis 10 ans, nous avons relevé une fréquence de rechute ou de perpétuation de la maladie de l’ordre de 47 %, avec en moyenne 2,7 rechutes par malade.

Un fait frappant est que nombre de malades souffrent énormément de leur trouble et veulent s’en sortir. Ils consultent souvent plusieurs médecins pour ce faire. Or, malgré leurs efforts, ils n’arrivent pas toujours, loin s’en faut, à lutter efficacement contre leur trouble du comportement alimentaire.

Un autre fait curieux est que chez un certain nombre d’entre eux, la reprise du processus survient alors même que leur vie a été nettement améliorée par la suppression des symptômes de la maladie. C’est notamment le cas des malades souffrant de boulimie.

Un dernier fait marquant est que bien des malades rechutent alors que « tout va bien » dans leur vie : vacances, relation amoureuse.

Tout ceci amène à penser que les troubles du comportement alimentaire agissent sur les structures fonctionnelles cérébrales « comme une drogue ». Cette hypothèse suggère qu’il s’agirait de conduites addictives, à l’instar du tabac, de l’alcool ou des drogues chimiques classiques (morphine, dérivés de l’héroïne…).

 

 

         L'évolution de l'addiction : 


On distingue plusieurs phases dans une addiction :

  • Induction : un stimulus (une substance, un comportement) induit une réponse hédonique : il y a « récompense » sensorielle, c’est à dire « satisfaction » : le sujet se sent ou « bien » ou « mieux » et associe cette sensation à l’usage de la substance ou du comportement en question.
     
  • Apprentissage : le sujet intègre les données désirables et indésirables : il s’agit d’un processus conscient, mais non rationnel. Le désirable relève d’une ou d’une série de sensations (euphorie, hallucination, sensation de puissance, relâchement, mieux être…) et l’indésirable soit de sensations (symptôme physique comme céphalées, épigastralgies), soit de pensées (morale, danger…).
     
  • Mise en place : La force des effets désirables pousse le sujet à répéter le stimulus. 
    La longueur de ces deux dernières phases dépend de l’intensité respective des effets désirables et indésirables. Elle dépend aussi de l’intervalle entre le stimulus et ses effets : si l’effet désirable survient rapidement et l’effet indésirable plus longtemps après, le sujet aura tendance à ne prendre en compte que l’effet désirable. Il « passera outre » l’effet indésirable.
  • Une phase de lutte : Le sujet cherche à sortir de sa dépendance : nervosité et sentiment d’échec vont induire des troubles de l’humeur et risquer de renforcer le trouble.
     
  • Une phase d’acceptation : Le sujet ne lutte plus et même s’oppose à la lutte de ses proches et des soignants: c’est la phase « d’amour », de « consentement » pour la substance ou le comportement addictif !

  

Et l'anorexie, qui est un jeûne, en quoi est-elle une addiction ?

 

A première vue, ceci peut surprendre. On voit bien comment on peut se « droguer » au chocolat, mais mal comment on peut être dépendant d’un manque comme le jeûne. Et pourtant, c’est bien le cas comme l’a montré l’étude qu’a menée l’Association AUTREMENT. Certains malades (mais pas tous) ressentent, au moins initialement, un bénéfice sensoriel (toute puissance, euphorie, sédation de l’angoisse) et social (gratification du régime et de la perte de poids) à leur restriction alimentaire volontaire. Il en est de même pour l’hyperactivité physique. Certains ressentent même un malaise physique, une vive angoisse et/ou une tendance dépressive à l’arrêt du jeûne ou de l’hyperactivité. Beaucoup disent qu’ils veulent (qu’ils voudraient) s’arrêter, mais qu’ils ne le peuvent pas.



                 Pensées et humeurs autour de la maladie au fil du temps


Le plaisir lié au jeûne, à l’hyperactivité physique ou à la crise d’hyperphagie diminue avec le temps dans tous les types de troubles du comportement alimentaire.



En %

Au début

En pleine
maladie

maintenant

AN

71

33

10

AN-B

93

43

14

B

52

14

10

C

70

47

27

 


Il en est de même de la sensation de toute puissance que les malades ressentent au début du fait de leur jeûne, de leur l’hyperactivité physique ou de leur crise.



 En %

Au début

En pleine
maladie

maintenant

AN

72

48

24

AN-B

86

64

21

B

52

14

5

C

15

23

11










La pensée négative s’accroît au fil du temps. Mais le comportement ne cesse pas pour autant, parceque les circuits sont conditionnées dans la réponse a la nourriture par les phases d'euphorie du début de la maladie (plaisir de manger chez la boulimique, sensation de douceur, plaisir de se contôler et d'atteindre ses objectifs de poids, euphorie de la faim chez l'anorexique). 

  

Ceci est particulièrement le cas en ce qui concerne la culpabilité, la honte et le sentiment d’être nul(le). En d’autres termes, en pleine maladie, 62 % des anorexiques restrictives se sentent honteuses de leur maladie, mais ne peuvent la lâcher. C’est le cas pour de 60 à 81 % des boulimiques ou compulsives. Le sentiment de nullité est encore plus fréquent.



 

Avec de tels tableaux, on va sans doute m'accuser d'être fataliste : ce sont des statistiques sur l'impression des malades..

 



18/06/2011
2 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour