Le corps dans la main

mai-juin 2012

 

25 mai 2012 : L'été m'a sauté comme un pantin en pleine figure. Le mois de juin en ville trouve une saveur particulière, suave, déplacée, outrancière. Un de ces parfums de coquette, trop prononcés et pourtant enivrants. Dans les rues, on sent l'été à plein nez, à pleine peau. Les odeurs s'infiltrent sous les ongles, les pores. Dans l'atmosphère acre des tramways, on découvre une foule d'existences, révélées dans leurs chairs, leurs soupirs, leurs bagages. Une pellicule de sueur moite vous jette l'humanité au visage. Et en dit plus long que n'importe quelle parole. Sur les avenues, une foule de jambes déambule, marche, volète. Ou étaient-ils tous il y a quelques semaines? Soudain, l'amoncellement de vies et de corps qu'est un paysage urbain accède à l'a conscience. Imaginez tous ces êtres, feutrés dans leurs immeubles, dans leurs bureaux aux fenêtres étanches, imaginez toutes ces robes éphémères amoncelées dans des étages de placards, imaginez toutes ces vies entassées, concassées sur les flans d'une colline.. en été, les fenêtres s'ouvrent et les indices de ces autres glissent par les balustrades. C'est une voix au téléphone, une radio, un courant d'air qui laisse entrevoir. C'est une sortie furtive dans l'espace commun, pudique et enivrante. Le brouhaha devient tumulte, et le présage d'une infinité parallèle prend corps. A travers les lunettes de soleil qui couvrent les visages, les névroses et les joies transparaissent, percent dans la lumière alléchante de l'après-midi lourd. Bien mieux que sous le regard froid et austère des yeux nus en hiver. 

Enfant, c'était la période des foins coupés et leur odeur prégnante, qui vous pique les yeux et vous donne le vertige. C'était la période des permissions, des rêveries, des élans. Avortés bien de trop vite, mais qu'importe..vous frissonniez dans l'air tiède. Les odeurs changent et demeurent. Et un tourbillon enchanteur vous emporte, fasciné et ouvert, gobant les oeufs du monde, un à un, leur saveur douce-acide vous restant sur la langue.



25/05/2012
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