Le corps dans la main

Pride and prejudices.

 

 

A-S-O-C-I-A-L-E. Je le prononce en détachant bien les syllabes. On me l'a balancé comme une révélation insultante. Mais au fond de moi j'apprécie l'injure. Comme le diagnostic incurable qui fait de moi une reine. A-S-O-C-I-A-L-E. Ces noms, anorexique, boulimique, dépressive existentielle, asociale ne sont plus des crachats mais de vicieuses caresses. Oui, je me suis vendue à la luxure égoïste d'être rejetée de partout. C'est ma magie,ma douleur, mon histoire et mon orgueil. Je rêve de me faire plus martyr que le boeuf.

Je reçoit la sentence avec une fierté insolente. "Demain tu pars". Blottie au fond de ma carapace, je n'arrive pas à ressentir l'échec. C'est trop logique, trop convenu. Le carnage relationnel s'est fait avec le plus grand naturel ; alors que j'avais l'impression que ma marée noire personnelle ne tachait qu'à peine l'océan frivole de ceux qui m'entouraient. Si je suis allée me foutre dans la glu, c'est pour qu' onvienne m'y chercher. Toujours ce foutu espoir que quelqu'un, un plus paumé, un martien idéaliste, que quelqu'un vienne. Un mythe du prince charmant étendu. Foutrement inefficace. La mélancolie dépravée n'attire pas les âmes charitables,ni les autres. Ou alors est-ce moi, qui, aveuglée par ma chape de goudron laisse passer le moment où les mains se tendent.Je préfère penser que je suis entourée d'une horde d'égoïstes indifférents, allez savoir pourquoi...

Je ne dois pas me conforter dans la noirceur négative et la soltude, me dit-on. Je serais presque convaincue de leur bonne foi émouvante, si une petite voix surrationnelle ne me disait : "tu as goûté à la baie du malheur, c'est trop tard!"

Jamais je ne pourrais me plier à l'obséquiosité, être avenante signifie pour moi être sur le qui vive pour ne pas laisser le sourire se décrocher de manière automatique. Parceque l'état de base de mes zygomatiques, c'est de faire la gueule. L'esquisse de scénarios d'ouverture charmante me parait insurmontable et destestable. Je ne saurais pas. Et je n'ai pas de filet. Je suis mauvaise comédienne, rongée par le trac. J'aimerais perdre conscience de moi, de la vision des autres, du réel. Vieil ange déchu, chassé et satisfait. J'avais rêvé de cette solitude. Je bousille mécaniquement tout avec rigueur, inconsciemment pourant. Ou pas tout à fait. Besoin de se faire grossir, saigner, s'enlaidir, se faire haïr. 

 

"Nul ne peut veiller sur sa solitude, s'il ne sait se rendre odieux." Syllogisme de l'Amertume, E.Cioran. Brave homme.

 

La formule de mon étrange logique est simple : prenez un être solitaire et égocentrique, donnez lui un comportement infâme qu'il mérite une punition...secouez, vous avez trouvé?

 

 

 

 

 

 

 

 

 



26/08/2011
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