Le corps dans la main

Vélocipède

 

 



 

Du noir pourpe, en absolu. Le noir c’est la vérité, et puis ça repose les yeux, le noir c’est la nuit, le noir c'est le tout et le rien à la fois.

Comme chaque soir, les lumières scintillent en dome sur la colline.

Le capuchon de pluie m’enrobe, je n’entends que les gouttes qui claquent doucement à mes oreilles.  Des poubelles enfantines, avec leurs bouchon vert, se dressent comme des plots au coin des rues. Le roue glisse, sans aucun bruit, chimérique sur le bitume. Les vagues ourlent la plage, les pins brimés, le paysage rangé. Elles tentent de reprendre leur du dérisoire.  Mais nul spectateur ne s’aventure : trop sombre, trop froid, trop hostile. Au contraire, cette plage apprivoisée nue enfin se livre, sous le fard humain dont on l’a recouvert. Je roule toujours, portée par la roue qui tourne invariablement. L’asphalte ruisselant se confond avec l’eau du port, du même noir brillant. Comme de gros monstres pataud, les bateaux sortis de l’eau s’entassent sous les hangars, recouverts de linceuls de toile cirée, à la manière de ces meubles que l’on voile, chez les morts, chez les absents, de ces meubles vieux en deuil immobile. Le cliquetis des chaînes est un carillon d’été. Il se perd pourtant dans la nuit qui l’étouffe, il la traverse subrepticement, incessant, joueur. Les coques s’enfoncent et se redressent, lourdes et pesantes.

 

La fumée d’une cigarette me traque, je ne suis donc pas seule.  Un autre romantique affreux sans doute..

La parabole incertaine de mon œil-phare gondole sur la rade, découpe un tunnel fragile dans lequel je pénètre, oscillant aux rythmes de mes mains vacillantes.

Je quitte bientôt le rivage pour longer les cafés où les gens s’entassent, dans la chaleur des nappes et des conversations. Les garçons en livrée s’y fraient un passage, les têtes à tête y fleurissent, les gorges partent en arrière sous les rires. Ces carrés de lumières semblent déconnectés les uns des autres, des théâtres aux scènes simultanées, des maisons de poupées, des vies furtives volées alors que dans les rues le noir est seul, profond, là, palpable. Comment tient on sur le néant ?

 


 

 



20/01/2012
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