Le corps dans la main

Les menottes vous siéent si bien.

Source : http://www.dependances.net


Je pense ne rien apprendre à personne en mentionnant les termes de contrôle, de perfection, d'inhibition, de droiture et la satisfaction que l'on peut en tirer. Au point que la concordance avec ses idéaux de vie et de comportement, d'attitudes sociales et alimentaires soit la seule chose qui importe véritablement. Au fond, même aujourd'hui, je me demande ce qu'il reste de plus important que cette image_ qui est l'unique chose qui restera de notre passage dans les esprits. La spontanéité n'est pas à négliger, mais tellement plus difficile à maîtriser. Extrait.
 


 



Perfectionnisme et boulimie

 


Le perfectionnisme est une donnée quasi omniprésente dans le cadre de la boulimie. Elle est à mettre en inter-relation avec la confiance en soi, évoquée par ailleurs. Ce perfectionnisme est assez limité, dans le sens où il naît le plus souvent de manifestations anxieuses : peur du jugement, de la critique, de l’évaluation. Bref ce que l’on nomme anxiété de performance, plutôt la peur d’échouer que la volonté de réussir.

Le milieu familial, en portant de l’importance à la réussite et à l’aspect corporel peut participer à ce phénomène. La perfection est souvent une préoccupation majeure : l’image doit être bonne, les comportements non-normatifs ou de perte de contrôle doivent être absents ou cachés. Il ne s’agit pas là encore d’être performant mais plutôt de ne pas montrer ce qui peut paraître défaillant ou jugé anormal. 

Un modèle fréquent correspond à un couple parental ou la mère est effacée du point de vue de la communication ou de l’intellect, plus ou moins limitée à un statut nourricier et ménager. Le père est  présenté comme plus brillant, cultivé. Se noue une relation privilégiée père-fille d’où la mère est plus ou moins exclue. Cela peut même mener à une forme de concurrence mère-fille, où la jeune fille évolue sous la pression des exigences paternelles, une obligation d’être à la hauteur de ces attentes. Cette compétition mère-fille est d’autant plus développée si la mère elle-même rencontre des problèmes de poids ou des problèmes alimentaires.

Cette image de perfection est frappante en consultation. Bon nombre de thérapeutes surnomment d’ailleurs les personnes souffrant de boulimie : les « saintes ». Même pendant un entretien thérapeutique, elles sont dans le contrôle permanent de leur communication, de leur apparence, de l’image familiale, de leur vie affective et sexuelle. La seule exception ? Les crises de boulimie, perte de contrôle naturelle et inévitable vu le contexte, mais qui « fait tache » dans ce tableau idyllique mais artificiel.


Ce perfectionnisme, ce niveau d’exigence entraînent une tension intérieure, un malaise et un mal-être qui seront calmés, ponctuellement par la prise alimentaire. Mais pour garder une image irréprochable, les crises vont être secrètes et les stratégies d’élimination vont venir préserver le contrôle de l’apparence physique. Le perfectionnisme est donc au centre de la problématique personnelle et familiale du sujet et donc au centre du trouble alimentaire et de son développement. 



Contrôle et perte de contrôle

 


Dans tout domaine psychologique et à fortiori dans celui des troubles, alimentaires ou autres, il y a une règle élémentaire : « plus il aura contrôle, plus il aura perte de contrôle ». Installée, dans un système perfectionniste et exigeant, la personne souffrant de boulimie met en place des stratégies de contrôle de plus en plus sophistiquées. Il s’agit de contrôler l’incontrôlable, démarche infernale, condamnée à l’avance qui ne peut mener qu’à une surenchère.. Mais le naturel ne se contrôle pas. Et l’alimentation fait partie du naturel.

Selon l’expression consacrée : « chassez le naturel, il revient au galop ». Le contrôle ou le régime s’inscrivent dans une première étape, phase volontariste ou le sujet fait abstraction de ses signaux internes du type goût, faim et satiété pour se conformer aux règles prescrites : il faut manger équilibré, il faut manger trois fois par jour, il faut manger ceci à midi et ceci le soir, … Pour supporter cet effort surhumain, le sujet met en place des rituels, évitements, interdictions absolues… Le système se rigidifie au détriment des rythmes naturels, des goûts, …

L’extrémité de cet hyper-contrôle se révèle à travers l’anorexie, sorte de régime perpétuel.

 

A part les personnes se tournant vers l’anorexie, l’être humain n’apprécie guère les « il faut » ou « je dois », opérateurs modaux détestables. Un tabou est fait pour être transgressé.

Le premier tabou transgressé est celui de la quantité : la personne craque en mangeant en grande quantité des aliments autorisés. Mais la satisfaction n’est guère au rendez-vous (d’où les importantes quantités absorbées).

Le deuxième tabou transgressé est celui du goût (et de la charge calorique qui en général l’accompagne) : le sujet craque pour un aliment interdit, par goût. Et comme elle compte bien continuer le régime après cet accident, elle en consomme une grosse quantité. Chaque « craquage » comme disent les adolescents, est considéré et vécu comme le dernier c’est-à-dire avec une intensité comparable à l’enterrement d’une vie de garçon.

Ces aspects sont renforcés par le fait  que des personnes ayant eu à subir les affres du contrôle ou du régime pendant un certain temps, n’ont plus ou peu de sensation de satiété. Ayant anesthésié ses sensations, le sujet ne sent donc plus (ou peu) si il a faim ou non, ce qui pose rapidement problème dans le cadre des troubles alimentaires.


Nous avons là un beau cercle vicieux. En thérapie stratégique, on nomme ce type de phénomène tentatives de solutions qui rendent le problème encore plus complexe

Si il n’y a pas de règle, il n’y a pas formation de ce cercle vicieux. Il n’est pas rare dans l’approche thérapeutique des troubles alimentaires de trouver la remise en cause de la restriction cognitive au centre de la résolution de la problématique, et que la moitié du travail soit constituée par cette déprogrammation du sujet qui peut dans certains cas suffire à résoudre le problème : "Vous voulez maigrir?... Et bien mangez ce que vous voulez, dans les quantités que vous voulez et au moment où vous le voulez!" Le problème est (juste) de se réinitialiser, de reformater le disque dur pour le débarrasser de ces programmes dysfonctionnels et inadaptés au bien-être.


 

 



25/02/2012
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