Le corps dans la main

Le cerveau d'Ana

 

 

Vous l'aurez compris, je suis friande des études scientifiques qui se rapportent aux TCA. Enfin, friande, disons avide.. 

 

L'original de celle que je vais vous présenter  est une publication en anglais, disponible pour les courageuses ici


 

 

http://www.domaine-ulb.be/default/fr-be/serv/proganorboul/divers/articles/Files/MainBloc/Brain%20hypometabolism%20anorexia.pdf

 

 

 

                                             

 

Cette étude porte sur l'activité cérébrale des patient(e)s atteint(e)s d'anorexie mentale.

En effet, les chercheurs ont remarqué un certains nombre de disfonctionnements au niveau des mécanismes endocriniens et métaboliques du cerveau, principalement dans la région hypothalamique. (Wakeling 1985). L'outil principal dont se sont servis les chercheurs ici est la technique de "positron  emission  tomography  au (18-F)-fluorodeoxyglucose" ce qui je n'en doute pas vous fait une belle jambe...

Sachez simplement qu'elle permet de mesurer l'activité métabolique glucidique (la consommation de glucose..) des différentes régions du cerveau, et que cette consommation est elle-même proportionnelle à l'activité cérébrale.

 

On a donc mesuré l’activité cérébrale chez plusieurs jeunes filles anorexiques, d’abord pendant une période juste après leur hospitalisation, ou elles étaient en sous poids, puis quelques temps après, lorsqu’elles avaient retrouvé un poids quasi normal. En fait, les précédentes études prétendaient que les disfonctionnements observés au niveau des neurotransmetteurs provenaient des carences alimentaires, et que les taux normaux et donc la régulation normale de l’humeur revenaient lorsque le poids et l’alimentation étaient normales (je vous renvoie aux articles ) mais cette étude montre qu’il y a un facteur à long terme qui maintient les taux juste en dessous/dessus (selon quelles molécules) de la norme. D’où la persistance d’un certain état dépressif ou angoissé chez les anorexiques prétendument guéries, qui est, vous le savez peut être, un appel vers la rechute.

 

 

Voici leurs résultats :

 

D’abord on observe des changements structuraux du cerveau chez les patientes anorexiques : le volume cérébral est significativement diminué, mais de manière réversible, c'est-à-dire il retrouve son volume initial si elles reprennent du poids. Pas de panique, rétrécissement du cerveau ne signifie en rien diminution mentale !! Tous les organes diminuent de volume dans l’anorexie nerveuse, faute de nutriments pour les cellules.

On observe aussi une dilatation des parties ventriculaires, elle aussi en partie réversible par un gain de poids (Artmann et al 1985, Krieg et al 1988, vous voyez que les premiers constats ne sont pas récents).

Il est très probable que ces changements de la morphologie du cerveau soient liés à la dénutrition, mais il n’existe pas encore de preuve satisfaisante.

Enfin, chose qui va dans le sens de l’hypothèse que l’anorexie mentale est une pathologie nerveuse, c'est-à-dire un disfonctionnement du systeme nerveux central, on a mesuré chez les patientes anorexiques des performances cognitives un peu altérées, notamment dans les tâches arithmétiques (avis aux matheuses..).

 

 

Concernant les neurotransmetteurs du système nerveux central, on a mesuré une réduction significative du fluide cerebro-spinal et des métabolites de la sérotonine et de la dopamine (Kaye et al 1984). Ces niveaux se normalisent lorsque les patientes retrouvent leur poids de forme, mais cependant on observe à long terme, même plusieurs années après avoir retrouvé un poids normal, certains taux différents des normes contrôles : le fuide cerebro-spinal 5-HIAA est élevé, et les taux de norepinephrine sont bas. Ces résultats pourraient expliquer certaines caractéristiques cliniques observées chez les patientes « repenties » : altération de l’humeur, anxiété, pensées obsessionnelles, même en ayant retrouvé des apports energétiques et un poids normal.

Il y a aussi été supposé que ces changements neurochimiques précédaient la mise en œuvre d’un régime restrictif, donc ne seraient pas liés aux carences dont souffre le cerveau, mais à un stress psychologique précédent (voire déclenchant ? ) l’apparition des comportements anorexiques.

 

 

La PET (positron emission tomography) ont montré que chez les anorexiques étudiées, la consommation absolue de glucose par le cerveau était largement en dessous de la moyenne, c'est-à-dire on y un hypométabolisme cérébral, surtout dans le cortex frontal et pariétal. Evidemment la raison principale invoquée est le faible apport en nutriments.

Là je me permet de faire une petite note : le cerveau est le seul organe qui ne peut utiliser que le glucose en guise de métabolite (ce n’est pas tout a fait vrai, il peut aussi, en cas d’extrême manque, utiliser comme carburant alternatif des ketones bodies, qui sont fabriqués a partir des corps gras). La régulation des nutriments dans notre corps est telle que tout est fait pour pouvoir subvenir aux besoins du cerveau en glucose, par exemple, du glucose est re-synthétisé a partir des adipocytes ou du glycogène, voire des proteines musculaires pour alimenter le cerveau. Donc en théorie, il ne doit jamais manquer, même lorsque les taux absorbés sont insuffisants. Il faut réunir apports très faibles, quasi pas de cellules graisseuses, très peu de masse musculaire et éventuellement disfonctionnement endocrinien pour arriver à cette situation.

 

Le fait que le métabolisme cérébral revient à la normale lorsque les patientes ont des apports caloriques adaptés laisse penser que la raison de l’hypométabolisme observé serait le jeune prolongé ou le poids très faible. Mais aucune corrélation n’a été prouvée, malgré que ce soit la raison qui vienne à l’esprit en premier : on n’a pas de preuves que ce soit le faible apport calorique qui engendre le faible métabolisme cérébral..

Les chercheurs ont fait l’hypothèse que c’était le taux élevé de ketones bodies (terme médical : la kéto-acidose ) qui pourrait expliquer cet hypométabolisme. En effet je vous ait dit tout à l’heure que c’était un combustible alternatif qui pouvait être utilisé par le cerveau lorsque le corps est en état de jeune, mais l’efficacité des kétones bodies, c'est-à-dire la facilité avec laquelle le cerveau les transforme en énergie utile, est inférieure à celle des molécules de glucose. D’où un métabolisme ralentit.

C’est là que l’hypothèse devient intéressante : contrairement aux apports nutritionnels qui peuvent être augmentés ou diminués avec des conséquences réversibles, la kéto-acidose a un effet chronique sur le cerveau.

Les études mesurant le taux de kétones bodies dans le plasma et l’activité cérébrale en parallèle n’on cependant rien donné ; mais la piste reste intéressante, car cela pourrait expliquer la persistance des taux de neurotransmetteurs anormaux observés plus haut. Les périodes de jeune et donc de production de kétone bodies provoqueraient une altération non-réversible du métabolisme cérébral, d’où une possible explication aux rechutes et à la fragilité psychique des anorexiques, même « guéries ».

 


02/07/2011
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