Le corps dans la main

Ocularite

 

 

 

 

Les paupières rouges se gonflent  comme agitées de spasmes tandis que les cils maculés de pus jaune-vert tremblotent, clignotent, effervescents, inquiets. A travers la fente rougeâtre, une pupille apeurée mue par de petits mouvements saccadés de droite à gauche. Prisonnière. Sous les bourrelets amorphes de la chair malade, elle cherche à s'échapper, à percevoir, contrainte à multiplier les allées venues pour pallier l'espace minuscule de vision qui lui est encore alloué. La pupille claustrophobe est rendue muette. Inexpressive. Elle aurait aimé hurler, s'enfuir hors de ces orbites enserrantes d'une affection purulente placide, inerte, embuée de crachin jaune sale. 

Mais la chair rosâtre des paupières, obèse, lasse, ne semble pas sentir le minuscule mouvement de la pupille, pourtant agitée d'un tremblement hurlatoire incontrôlé, mais murée dans le silence de sa petite taille. 

Eternelle condamnation de l'âme.  Les étoiles seront mangées. Et parmis les débris terrestres de leur ignoble digestion, la pupille -qui sait- pourra un jour s'échapper. S'extrayant du carcan de mollesse de ses orbites, elle pourra enfin saisir de toute ses faces et de tous ses mouvements les images qui lui sont données, et non être plaquée contre le mur de la rétine, miroir impérieux, voilé encore par le filtre du jour des paupières à peine entrouvertes, contrainte à une perception floue, embuée, alanguie, médiée par ces organes oh combien limitateurs. A chaque mouvement ils la retiennent de leurs mains molles et suitantes, de leurs barrières roses. Mais démente, elle éclatera. Adieu, miroir rétinien au reflet connu dans les moindres détails, mille fois ressassés et honnis! Adieu enveloppe!Adieu vitre de verre!  elle sera libre et sphérique. 

 

 



21/02/2013
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